Au lendemain de la nomination de Youssef Chahed, certains avaient assuré que le nouveau chef du gouvernement ne prendrait que quelques jours pour présenter sa formation au président de la République. Toutefois, et deux semaines plus tard, il semblerait que les choses ne font que se compliquer pour le nouveau locataire du palais d'Al Kasbah. Selon des sources proches de la présidence de la République, Youssef Chahed aurait décidé d'accorder quatre ministères et trois secrétariats d'Etat aux dirigeants de Nidaa Tounes. Chahed aurait expliqué à ses collaborateurs que vu que le poste de chef du gouvernement a été accordé à un Nidaïen, il ne serait pas logique que le mouvement accapare les autres ministères. A l'issue d'une réunion avec Chahed, le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel, et le directeur exécutif du mouvement, Hafedh Caïd Essebsi, ont déclaré avoir soumis une lettre comportant cinquante-cinq noms candidats aux différents postes gouvernementaux. Les deux dirigeants ont assuré avoir évité d'évoquer la répartition des postes qui seront accordés au parti voulant, ainsi, affirmer la liberté qu'aura Youssef Chahed dans la formation de son équipe. Interrogé sur le sort des ministères de souveraineté, Hafedh Caïd Essebsi a expliqué que ces derniers ne seront pas accordés à Nidaa Tounes et que la décision définitive reviendra au président de la République puisque la Constitution stipule que c'est lui qui décide du sort desdits ministères. De leur côté, les députés du Nidaa ont envoyé une correspondance au nouveau chef du gouvernement via laquelle ils l'ont vivement appelé à ignorer la campagne de dénigrement qui vise l'actuel ministre de la Santé publique, Saïd Aïdi, et de maintenir ce dernier à son poste vu qu'il ‘est en train d'accomplir de réelles avancées dans le secteur et ce surtout au niveau de la lutte contre la corruption'. Le mouvement d'Ennahdha a été clair depuis l'annonce de l'initiative présidentielle en appelant, dès le début, à une plus large représentation de ses dirigeants au sein de la prochaine formation. Dans ce cadre, le chef du mouvement, Rached Ghannouchi, avait déclaré, en fin de la semaine dernière, avoir présenté une liste comprenant beaucoup plus de candidats de ce qu'attend Youssef Chahed. Pour lui, les élections législatives de 2014 doivent être respectées et que Ennahdha soit mieux représenté au gouvernement. Selon une source proche du mouvement, Ennahdha aurait donné la priorité, dans ses listes adressées à Youssef Chahed, aux jeunes et aux femmes faisant partie du mouvement ou qui en sont proches. Intervenant, au début de la semaine, sur les ondes de Mosaïque FM, le secrétaire-général d'Ennahdha et actuel ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Zied Laâdhari, avait annoncé avoir été retenu au sein du nouveau gouvernement pour un poste ‘plus important que celui qu'il occupe au gouvernement d'Habib Essid'. Ayant créé une grande polémique, Laâdhari est revenu sur ses propos en précisant, hier, qu'il voulait juste dire que son nom figurait dans les listes de candidats d'Ennahdha. Le membre du comité politique de l'Union patriotique libre (UPL), Taoufik Jemni, a déclaré que son parti était en train d'étudier la possibilité de se retirer du prochain gouvernement d'union nationale. L'intéressé a en effet exprimé l'insatisfaction de son parti du déroulement des concertations et du fait qu'une bonne partie des portefeuilles ministériels soient accordés à des personnes incompétentes. Voulant rectifier le tir, le président du bloc parlementaire de l'UPL, Tarek Ftiti, a expliqué que le parti ne comprend pas la raison qui amène Youssef Chahed à garder la structure de son gouvernement secrète. Pour Ftiti, il ne serait pas logique de soutenir un gouvernement dont personne ne connait la structure et qui semble aller vers la voie du quota partisan. Bien qu'il n'ait donné aucune position définitive, le président du bloc de l'UPL a assuré que le soutien de son parti au nouveau gouvernement n'est pas du tout garanti et qu'il faudrait que le nouveau chef du gouvernement finisse par entendre raison. La rencontre entre Youssef Chahed et Mongi Rahoui a provoqué des réactions assez virulentes au sein du Front populaire dont le porte-parole avait assuré que l'action du député était individuelle et que le FP n'en est pas du tout concerné. Le secrétaire-général adjoint d'Al Watad, Mohamed Jemour, avait même estimé que Mongi Rahoui serait le grand perdant si jamais il arrivait à accepter le poste ministériel que lui a proposé Chahed. Suite à cette grande polémique, Mongi Rahoui a tenu une conférence de presse, hier, où il a annoncé, officiellement, son refus du poste en question. Intervenant sur les ondes d'Express FM, le député a tenté d'expliquer que sa décision n'a rien à voir avec les pressions du FP et d'ajouter que Jemour aura à répondre de ses propos au sein des structures internes d'Al Watad. Il est clair qu'à part Afek Tounes – qui est en mode silence on tourne depuis le début des concertations de Dar Dhiafa – les partis politiques intéressés, de près ou de loin, par le gouvernement d'union nationale mènent des guerres de positionnement internes et externes afin de profiter le plus possible de la prochaine formation. Entretemps, ces guéguerres continuent à bloquer le travail de Chahed et remet une couche aux critiques allant à l'encontre de l'initiative présidentielle et de son ‘mauvais' timing.