Youssef Chahed brasse dans l'opposition et dans le monde du syndicalisme. Les ministres de Habib Essid poursuivent leur autopromotion dans l'espoir de conserver leurs postes Il est communément admis que dans la vie politique, rien n'est durable et qu'appartenir à un parti politique ne signifie pas qu'on est obligé de s'aligner automatiquement et indéfiniment sur les thèses que défend ce parti et d'épouser aveuglément les positions que prennent les camarades. Et les exemples ne manquent pas aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. L'on se rappelle encore comment feu Dali Jazy avait fait fausse route, au début des années 90 du siècle précédent, à ses camarades du Mouvement des démocrates socialistes (MDS) pour accepter un poste ministériel que lui avait offert l'ancien président Ben Ali. En France, Bernard Kouchener, le socialiste endurci, a fait de même en devenant le ministre des Affaires étrangères de Sarkozy. Et comme l'histoire est un éternel recommencement et dans la foulée des signes de mécontentement que Youssef Chahed aurait montrés contre la pression qu'il subit de la part de Nida Tounès et de l'Union patriotique libre (UPL) qui multiplient leurs conditions les plus fantaisistes, il semble que l'idée de recourir à des politiciens appartenant à des partis de l'opposition ou au monde du syndicalisme (des ex-membres du bureau exécutif de l'Ugtt) commence à faire du chemin et l'on fait circuler dans les milieux proches de Youssef Chahed que ce dernier aurait décidé de choisir Mongi Rahoui, Samir Taïeb, Mohamed Trabelsi et Abid Briki pour faire partie de l'équipe ministérielle qu'il envisage de soumettre au président de la République d'ici la fin de la semaine en cours. Les calculs de Youssef Chahed et les attentes des autres Et les observateurs suivant à la loupe le processus de formation du gouvernement d'union nationale de se poser la question suivante : que cherche Youssef Chahed en demandant carrément à Mongi Rahoui, le député frontiste et l'un des leaders du Parti des patriotes démocrates, et à Samir Taïeb, secrétaire général d'Al Massar, d'intégrer le gouvernement en leur qualité personnelle ou au moins de lui proposer des noms qui bénéficieraient de leur aval ? Mongi Rahoui n'a pas confirmé ou infirmé jusqu'ici sa position vis-à-vis de l'offre de Youssef Chahed et quand Hamma Hammami déclare qu'il s'agit «d'une initiative individuelle et que ni le Front populaire ni Al Watad n'ont été consultés par le député frontiste», on comprend que quelque chose cloche désormais au sein du Front et que l'approche de non-participation défendue jusqu'ici n'est plus suivie aveuglément. Plusieurs observateurs pensent que Youssef Chahed est convaincu qu'un gouvernement d'union nationale auquel «ne participeront pas des figures de la gauche et des syndicalistes (à choisir en dehors du bureau exécutif actuel ou des syndicats généraux) n'a pas de sens. Le chef du gouvernement désigné est aussi déterminé à ne pas subir les pressions quotidiennes de Nida Tounès dont plusieurs leaders refusent que Youssef Chahed fasse ses choix en toute liberté et conscience. Il en est de même pour l'Union patriotique libre dont le chef du groupe parlementaire, Tarek Ftaiti, est allé, mardi 15 août, jusqu'à exiger que Youssef Chahed révèle au parti sa liste de ministres avant qu'il ne décide de participer au gouvernement ou de s'abstenir. L'UPL considère, en effet, qu'elle a un droit de regard sur les ministres que Youssef Chahed pourrait choisir. Parallèlement, la campagne d'autopromotion à laquelle se livrent certains ministres du gouvernement Essid dans l'objectif de conserver leurs postes se poursuit de plus belle. Hier, c'était au tour de Néji Jalloul, ministre de l'Education, et Kamel Ayadi, ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, de faire dans les médias la promotion de leur bilan et de demander expressément de rester dans leurs ministères, convaincus qu'ils sont «de servir la Tunisie et de parachever le gigantesque travail accompli jusqu'ici». Néji Jalloul rappelle aux journalistes qu'il existe un service de communication auprès du comité de pilotage de la réforme éducative auprès duquel ils peuvent recueillir les informations qu'il faut. Toutefois, il n'arrête pas d'annoncer «qu'il y aura de nouveaux livres, à l'occasion de la prochaine rentrée scolaire, que le temps scolaire changera et que les 20% du baccalauréat seront supprimés». Il conclut : «Je suis disposé à servir au sein du gouvernement d'union nationale à n'importe quel poste qui me sera confié». Idem pour Kamel Ayadi qui déclare : «Je suis prêt à poursuivre me mission au sein du gouvernement de Youssef Chahed. Nous avons déjà mis en place la plateforme juridique à même de lutter contre la corruption. Nous avons également instauré un plan national incluant les dimensions prévention, contrôle et dissuasion». Et Kamel Ayadi de révéler qu'il n'est plus contre la multiplication des structures ou instances dont la vocation est de lutter contre la corruption. «L'éradication de la corruption est un projet sociétal où chacun a sa part de responsabilité».