C'était assurément l'un des spectacles mémorables du Festival Boukornine : jamais le théâtre plein-air n'a été aussi bondé de gens comme cette soirée du samedi 20 août ! Le public est originaire non seulement de la ville d'Hammam-Lif, mais aussi venait de toute la banlieue-sud et même du Cap Bon. Il s'agit du concert de l'ensemble de musique traditionnelle et soufi « Ziara ». En fait, depuis sa création, Ziara connait sans cesse un succès artistique et une grande affluence du public là où elle se produit. Le public, enthousiasmé, a vécu en compagnie d'une centaine d'artistes (chanteurs, percussionnistes et danseurs) deux heures environ au rythme de la musique arabo-musulmane et s'est vu ramené dans le passé de l'héritage oral tunisien à travers les confréries et les marabouts tunisiens. En effet, c'est une musique qui communique avec les âmes et où le corps se déchaine et se met irrésistiblement dans un état hystérique : on a remarqué d'ailleurs à plusieurs reprises l'intervention d'agents de la Sécurité pour dégager de la foule des jeunes filles prises de vertige suite à une transe exaltante. Durant tout le spectacle, la foule chantait et dansait aux rythmes des instruments de percussion et des chants soufis, inspirés des différentes confréries du pays, notamment la Aîssaouia et El Aouemreya. La troupe Ziara impose une atmosphère générale de métissage des chants liturgiques qui caractérisent chacune des confréries du territoire et l'on ressent cette ressemblance et cette continuité des rythmes et des musiques, mais aussi des paroles faites de louanges, de prières et de supplications en faveur des opprimés, des faibles, des démunis et des défavorisés sur terre. A vrai dire, ce n'était pas une reconstitution à la lettre de ces visites rituelles effectuées par les gens à ces confréries, mais plutôt une nouvelle vision de la part de Sami Lajmi, concepteur du projet. C'est le fruit d'une recherche musicale méticuleuse sur ces différentes visites rendues à ces confréries. Et l'on ressent même l'introduction de nouvelles techniques, comme la lumière, l'ombre chinois et le jeu des silhouettes à travers un écran géant placé au fond de la scène qui fait apparaitre l'ombre des danseuses en pleine action. C'est le patrimoine liturgique renouvelé et agrémenté par une touche contemporaine. Apparu sur scène en son habit traditionnel, Mounir Troudi, interprète et membre du spectacle, s'est manifesté de tout son poids dans la troupe puisqu'il a assuré les trente dernières minutes du spectacle avec plusieurs interprétations et « Dakhlet Sidi Akaïcha », le tout associé à des rythmes vigoureux invitant à la transe salvatrice. Bref, la soirée a enregistré la présence d'un grand nombre de spectateurs qui ont interagi avec Ziara, laquelle a donné un concert de chants soufis dont le succès fut spectaculaire sur tous les plans : artistique, organisationnel et sécuritaire.