Le duo russe formé par la voix d'Alisa Ten et d'Oleg Boyko au luth et à la guitare baroque, a donné avant-hier à l'Acropolium de Carthage, dans le cadre de l'Octobre musical, un concert fort apprécié par un public peu nombreux qui découvrait le grand talent de ce duo. Les absents avaient tort, d'autant plus que le programme proposé était éclectique et revisitait des chants de la Méditerranée, chants très proches de l'ouïe des mélomanes tunisiens. Un programme où les deux artistes n'avaient pas seulement joué et chanté des extraits de Mouachahats andalous et en langue arabe à travers des Noubas Granati, une suite musicale de Grenade qui n'est pas sans rappeler le Malouf « Gharnati », plus fréquent en Algérie, mais aussi des suites espagnoles du 16è et du 17è siècles. Alisa Ten et Oleg Boyko sont également spécialisés dans la musique de l'époque de la Renaissance italienne. Quelques œuvres ont été proposées à cet effet. Avec sa voix pure qui coule de source, Alisa Ten semblait traverser allègrement le monde par le biais de la musique, qui, plus encore, s'affirme comme un langage universel. Et mieux encore, les rapprochements étaient effectués comme par magie. Il est vrai que les chants des pays du bassin méditerranéen ne sont pas isolés les uns des autres. Ils ont une histoire qui les rassemble. Le « Mouachah » intitulé » Lama bada yatathanna », composé par Daoud Hosni, pour revenir à ce type de chant, n'avait pas manqué au rendez-vous. Et plus encore, de l'Espagne, on passait au Maroc avec la chanson « Ya bint bledi » fortement inspirée par le Flamenco et les chants des troubadours. On oubliait, par moments et tout emportés par les rythmes qui nous sont siens, que nous étions avec des artistes russes. Ces derniers venaient-ils rappeler que la musique n'a pas de frontières. D'ailleurs, plusieurs grands compositeurs russes ont crée dans le genre oriental. Retour en Russie Leurs morceaux sont devenus des références dans l'histoire de la musique, comme Nicholaï Rimski Korsakov (1844-1908) et son œuvre éternelle « Shéhérazade » qui raconte musicalement les « Mille et une Nuits. » Alisa Ten et Oleg Boyko, qui a brièvement accompagné par la voix la chanteuse, ont également interprété quelques chants populaires russes. Nous naviguions sur la rivière Moskova et toujours en compagnie de la voix limpide et suave d'Alisa. Un prénom qui sonne carthaginois sur la colline de Byrsa, de surcroît et qui n'est pas sans ressembler et rappeler celui d'Eyssa, la fondatrice de Carthage en 814 Avant Jésus Christ. Le hasard avait bien fait les choses ce soir-là.