Le moment est, certes, venu pour instaurer un paysage audiovisuel transparent, crédible et sans allégeance et, de prime abord, on peut penser, sans emportements, que la HAICA a commencé à préparer le terrain à cette nécessité. Toutefois, de nombreuses interrogations accompagnent la décision de la « saisie du matériel » de la chaîne Nessma TV. Pourquoi a-t-on choisi ce moment précis ? Pourquoi Nessma et pas les autres chaînes qui ont, elles aussi, quelque chose à se reprocher ? Et, surtout, pourquoi personne n'a été averti les concernés, afin de les inciter à régler leur situation ? IL est difficile de ne pas penser que le moment est venu pour que chaque partie assume ses responsabilités, afin que les prochaines élections, que ce soit la présidentielle ou les législatives, ne soient entachées d'aucun défaut, afin qu'elles soient crédibles, transparentes et honnêtes, avec un paysage médiatique qui offre les mêmes chances pour tous. Le propriétaire de Nessma TV a, depuis la Révolution, fait ce que bon lui semble sur « sa » chaîne, faisant-fi des règles du jeu, atteignant, parfois, des limites insupportables pour le téléspectateur. Toutefois, on doit au moins à cette télévision, le fait qu'elle a été l'une des expériences-pilotes du privé dans le paysage audiovisuel. Elle est la première à aider à l'éclosion de compétences, avec des programmes attrayants et qui, parfois, ont une influence grandissante sur l'opinion publique. Toutefois, en ce moment, on a le droit de la critiquer, avec son propriétaire qui s'affiche, tous les jours et à toutes heures sur l'écran, pour faire le bon samaritain et le sauveur des pauvres, en ramassant des aides, ce qui n'est pas son rôle. Entretemps, Nabil Karoui, le seul dirigeant visible de cette chaîne, fait la grosse tête et ne répond pas aux multiples mises en demeure de la HAICA, la haute autorité de l'audiovisuel, se croyant au-dessus de la loi et comme étant le seul détenteur de la vérité, ce qui est contraire aux bonnes règles, pour aider à l'instauration d'une démocratie où chacun a des droits, mais, aussi et surtout, des devoirs, envers ses téléspectateurs et son pays. Peut-on avoir des griefs contre la HAICA qui a accompli la mission pour laquelle elle a été créée, même si certains doutent de son savoir-faire et de sa crédibilité ? Le tollé vient d'être engagé, entre partisans et détracteurs de l'exécution de cette saisie. Mais, tout le monde se demande pourquoi on a choisi ce moment précis et, surtout, pourquoi la loi s'applique à Nessma TV, alors que d'autres chaînes sont dans une situation d'infraction à la loi pire que cela. Le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), Nouri Lajmi a indiqué, jeudi, que la saisie des équipements de Nessma TV intervient en application de la décision du conseil de la HAICA en date du 15 avril 2019. Ce qui veut dire qu'il y a anguille sous roche, alors que dans d'autres affaires, il faut attendre des mois et des mois, et peut-être, parfois, des années, pour exécuter une décision de saisie. S'exprimant lors d'une conférence de presse organisée jeudi après-midi au siège de la HAICA, Lajmi a précisé que cette procédure est prévue par le décret-loi 116 après avoir épuisé toutes les voies de régularisation de la situation juridique de la chaîne privée et le refus de ses responsables de se conformer au cahier des charges. Cette procédure ne signifie nullement la fermeture de la chaîne TV, a-t-il ajouté, précisant que la présence des forces de l'ordre est habituelle lors de confiscation d'équipements de diffusion. Les forces de l'ordre se sont déplacées le matin vers le siège de la chaîne privée pour exécuter la décision de la HAICA de confisquer les équipements de diffusion de Nessma TV. Elles se sont déployées devant le siège de la chaîne privée, où une foule s'est rassemblée en soutien à Nessma TV. Le président de la HAICA a rappelé les procédures qui dure depuis juillet 2018 et qui ont été suivies avant la décision de saisir le matériel de Nessma TV. Le conseil de la HAICA avait décidé le 13 juillet 2018 la suspension des procédures de règlement de la situation de la chaîne, conformément à l'article 50 du décret-loi 116 pour ne pas avoir effectué les procédures nécessaires à la modification de l'aspect légal de la société Nessma Prodcast qui exploite la chaîne de télévision, de société à responsabilité limitée à société anonyme, conformément à l'article 4 du cahier des charges. Une notification d'infraction a été également adressée au représentant légal de la chaîne le 5 octobre 2018. Nessma TV ayant continué la diffusion sans régulariser sa situation conformément à l'article 31 du décret-loi 116 qui stipule qu'en cas d'exercice des activités de diffusion sans licence, la HAICA inflige des amendes allant de vingt mille (20.000) dinars à cinquante mille (50.000) dinars et elle peut ordonner la confiscation des équipements utilisés dans l'accomplissement de ces activités. Le 27 novembre 2018, la HAICA a décidé d'infliger une amende de 50 mille dinars à la chaîne de télévision pour avoir exercé des activités de diffusion sans licence et ce, en vertu des dispositions de l'article 31 du décret-loi 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création de la HAICA. Pour Nouri Lajmi la saisie des équipements de Nessma TV n'est pas « une décision politique ». La HAICA a été poussée à prendre cette décision, a-t-il dit, ajoutant que « la présidence du gouvernement n'intervient pas dans les décisions de l'instance ». Cette procédure s'est appliquée à d'autres établissements médiatiques tels que « Radio Quran Karim » ainsi que la chaîne Zitouna TV qui « bénéficie d'un soutien politique », lance Nouri Lajmi. Cette chaîne de télévision privée a retransmis ses programmes en piratant illégalement une fréquence TV, a-t-il indiqué. Le pire est que le propriétaire de cette chaîne se croit tout permis et continue sur sa lancée en dénigrant la HAICA et les pouvoirs publics. C'est que les ambitions politiques peuvent aveugler certains qui croient que leur popularité est assez importante pour briguer un poste présidentiel, alors que, parfois, les apparences sont trompeuses, parce qu'il ne suffit pas de faire le bienfaiteur, sans rien donner de sa poche, pour croire qu'on peut arriver à l'objectif escompté. Le peuple a assez été trompé et, maintenant, il est nécessaire que les candidats potentiels aux postes de responsabilité montrent patte blanche et prouvent qu'ils sont honnêtes, au moins, pour attirer les gens qui veulent sauver la Tunisie. Trop d'enseignement à tirer, avec pour conclusion que Nabil Karoui a perdu « sa couverture politique » et que, maintenant, il est plus facile d'agir pour la HAICA. Mais, malheureusement, il faut penser, maintenant, au sort des centaines de travailleurs, techniciens, journalistes et autres personnel, qui seront réduits au chômage et… par conséquent, n'auront pas de salaires, tout en étant des otages des deux parties. F.S.