Pour ses derniers jours comptés à la tête d'un gouvernement de gestion des affaires courantes, Elyès Fakhfakh n'y est pas allé de mainmorte. Profitant de la période que lui accorde une Constitution floue et boiteuse, il ne s'est pas gêné pour évincer ceux qu'ils considèrent comme étant à la base de son éviction et de ses problèmes. La vengeance est un plat qui ne se mange pas froid, et Fakhfakh a commencé par se débarrasser des ministres du mouvement Ennahdha –et c'est de bonne guerre- puisque ce mouvement islamiste cachait l'affaire du conflit dans sa manche, pour la faire ressurgir, parce que le chef du gouvernement n'avait pas plié à ses désirs. Pourtant, c'est dommage qu'il ne se soit pas arrêté à cette décision applaudie par une grande partie du peuple tunisien qui en avait marre de ce diktat de Ghannouchi et ses suppôts. Mais, il est allé, encore, plus loin en voulant faire payer à Chawki Tabib ses attaques qui semblent, aussi, douteuses. Il l'a purement et simplement démis de ses fonctions de président de l'Instance nationale pour la lutte contre la corruption (INLUCC). Le hic est que Tabib a refusé d'obtempérer, d'ailleurs à juste raison, puisque cette instance est indépendante, de par la loi, et que le mandat de son président doit durer, bon an, mal an, pas moins de six ans, sans quoi, cela permet de douter de l'indépendance de cette instance. Le remplacement de Tabib, à la direction de l'Instance nationale de lutte contre la Corruption (INLUCC) n'est pas du goût de nombreux responsables, surtout ceux des autres instances constitutionnelles. Il y a une certaine odeur de vengeance, surtout au niveau de l'enquête menée par cette instance, dans l'affaire du conflit d'intérêt dans laquelle est accusé le chef du gouvernement sortant où Tabib est accusé d'avoir fait « fuiter » les résultats préliminaires de cette enquête et d'avoir remis le dossier au mouvement Ennahdha qui se serait empressée de dévoiler le contenu. Cette affaire continue à provoquer des remous et Imed Boukhris qui vient d'être nommé à la tête de l'Instance, en remplacement de Chawki Tabib a déclaré jeudi ne pas pouvoir prendre ses fonctions dans la mesure ou Tabib a rejeté la décision de sa révocation. Ce dernier a demandé d'attendre la décision de la justice au sujet du recours déposé. Il a indiqué avoir reçu une copie du recours intenté par Chawki Tabib, auprès du Tribunal Administratif. Dans un message à l'intention de l'opinion publique publié jeudi, Tabib explique, de son coté, qu'une plainte signée par l'actuel et d'anciens bâtonniers ainsi qu'un groupe d'avocats, a été déposée auprès du TA dans laquelle ils appellent à suspendre la décision de révocation. Tabib a souligné qu'il ne quittera pas son poste avant que la justice ne statue sur le recours. Concernant la décision du ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la lutte contre la Corruption d'assurer le contrôle de l'Instance, Chawki Tabib a tenu à préciser que le contrôle administratif et financier de l'INLUCC est du ressort de la Cour des Comptes. Pour lui, cette décision est en conformité avec les dispositions du décret-loi cadre n° 120 portant création de l'instance et de la loi organique 47/2018 sur les dispositions communes entre les instances constitutionnelles indépendantes ainsi que la loi sur la Cour des Compte (41/2019). Plus tôt dans la journée, la présidence du gouvernement a précisé que la nomination du juge Imed Boukhris a été décidée dans le respect des dispositions du décret-loi relatif à la lutte contre la corruption et en vertu du décret gouvernemental 164/2016 comme il a été le cas dans la nomination de Tabib à ce poste. Et d'ajouter que cette décision s'inscrit dans le cadre de l'exercice par le chef du gouvernement de ses prérogatives constitutionnelles et son souci de tenir l'instance loin des tiraillements politiques. Les présidents de sept instances indépendantes avaient exprimé mardi leur refus de la décision du chef du gouvernement chargé des affaires courantes Elyes Fakhfakh de démettre Chawki Tabib de ses fonctions la qualifiant de contraire aux bons usages et est de nature à compromettre la relation entre l'Exécutif et les instances indépendantes. Ce nouveau conflit vient ajouter de l'eau au moulin, parce qu'il va mettre en veilleuse tous les travaux de l'INLUCC, censée lutter contre la corruption, ce qui va arranger les affaires de nombreuses personnes douteuses qui vont exploiter cette trêve, pour accomplir davantage de méfaits. Certes, ce limogeage en dit long sur la volonté de faire taire tous ceux qui ont quelque chose à dire contre le chef du gouvernement sortant, mais, la justice va dire, bientôt, son mot, et il est certain qu'au cas où on prouve qu'il y a conflit d'intérêts, Fakhfakh paiera la lourde facture.