Débutant au Etats Unis et se propageant vers le monde entier, la crise a été l'origine d'une grande polémique. Un grand conflit a marqué les déclarations des responsables et même celles des experts. Les uns sont optimistes vis-à-vis au destin de la crise tandis que d'autres sont pessimistes et ils pensent que « le pire est devant nous ! » Strauss-Kahn : la crise financière est "derrière nous" Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), s'est félicité des décisions prises par le sommet de l'Euro groupe à Paris. "Le pic de la crise est peut-être derrière nous", estime-t-il. Devant la commission des Affaires économiques du Parlement européen, le directeur du FMI a cependant affirmé que les effets sur l'économie mondiale se feront sentir pendant plusieurs trimestres. Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, a estimé, que le pire de la crise financière née aux Etats-Unis était "derrière nous", mais que ses effets sur l'économie allaient continuer à se faire sentir pendant plusieurs trimestres. "Il y a de bonnes raisons de penser que les institutions financières ont révélé l'essentiel (des dégâts), surtout aux Etats-Unis (...) Les pires nouvelles sont donc derrière nous", a déclaré Dominique Strauss-Kahn devant la commission des Affaires économiques du Parlement européen à Bruxelles. Mais "le principal problème est le lien entre la crise financière et l'économie réelle, et ça n'est pas derrière nous", a-t-il ajouté, estimant que la crise allait encore peser sur l'activité économique pendant "plusieurs trimestres". Ceux qui seraient tentés de croire, comme le gouvernement nous l'explique que 2009 sera une mauvaise année, mais que le rebond devrait se produire dès 2010, nous leur conseillons la dernière déclaration de Dominique Strauss-Kahn le patron du FMI "Le problème est que les effets sur l'économie réelle, pour la plupart d'entre eux, ne se sont pas encore fait sentir", déclare Strauss-Kahn dans IMF Survey, une publication interne du FMI. "2009 sera certainement une année plutôt mauvaise pour la croissance, et pas seulement dans les économies avancées, mais également dans les économies émergentes", a-t-il ajouté avant une réunion du G7 ce week-end à Rome. Strauss-Kahn a appelé les pays qui avaient adopté des plans de relance à les mettre dès maintenant en application. (1) Barak Obama« Début de fin » de crise ! Le président américain Barak Obama a signé un gigantesque plan de relance de 787 milliards de dollars qui représente selon lui le «début de la fin» de la pire crise connue par les Etats-Unis depuis longtemps. C'est un moment important de sa toute jeune présidence : Barack Obama a promulgué à Denver (Colorado) son plan de relance de 787 milliards de dollars (623,3 milliards d'euros), adopté après d'âpres négociations au Congrès et destiné à sortir l'économie américaine de sa pire crise depuis la Grande dépression des années 1930. Le président américain a lui-même reconnu que la première économie mondiale n'était pas tirée d'affaire, et les Américains ont été rappelés le même jour aux dures réalités du moment et à la menace de faillite pesant sur les constructeurs automobiles du pays. « Je ne vais pas prétendre que ce jour marque la fin de nos problèmes économiques. Il ne représente pas non plus la totalité de ce que nous allons faire pour renverser la situation économique », a déclaré Barack Obama peu avant de signer à Denver (Colorado, ouest) et donc de permettre la mise en application de ce plan fait d'investissements dans les grands chantiers publics pour créer des emplois, et d'abattements fiscaux pour stimuler la consommation. « Fondations plus solides » « Mais ce jour marque le début de la fin. Le début de ce que nous devons faire pour créer des emplois en faveur d'Américains qui se débattent face aux licenciements ; le début de ce que nous devons faire pour soulager des foyers inquiets de ne pas pouvoir payer le loyer du mois prochain; le début, les premiers pas nécessaires pour replacer notre économie sur des fondations plus solides et pour ouvrir la voie à la croissance et à la prospérité à long terme », a-t-il dit, dans un notable changement de ton. Selon Barack Obama, le plan sauvera ou créera plus de 3,5 millions d'emplois en deux ans et jettera les bases d'une nouvelle économie au développement durable. Avant la signature, Barck Obama a visité une installation solaire pour montrer comment l'argent serait employé en faveur des énergies renouvelables. L'économie américaine, qui a perdu 3,6 millions d'emplois depuis le début de la récession, est cependant loin d'être au bout de ses peines. Barack Obama a insisté lui-même sur le fait que ce plan ne serait que l'une des composantes de l'action gouvernementale. Son secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a présenté la semaine passée un plan de stabilisation du système financier qui a tout sauf convaincu les marchés. GM prévoit 47.000 suppressions d'emplois Le président américain devrait dévoiler des mesures pour l'immobilier, le secteur d'où est partie la crise. Les Américains ont été rappelés à la gravité du moment par la situation de leurs emblématiques constructeurs automobiles. General Motors (GM) a annoncé avoir besoin d'une aide de 30 milliards de dollars (23,8 milliards d'euros) du gouvernement américain, pour éviter la faillite et prévoit la suppression de 47.000 emplois dans le monde, soit près d'un cinquième de son personnel. Les principales dispositions du plan de relance Voici les principales dispositions du gigantesque plan de relance économique américain de 787 milliards de dollars. Un tiers est constitué d'allégements fiscaux, soit environ 286 milliards de dollars et le reste de dépenses publiques sur des projets susceptibles de participer à la relance économique. Parmi les réductions fiscales figure la mesure phare voulue par le président Obama pour honorer ses promesses de campagne. Environ 95% des familles américaines devraient en bénéficier. Les personnes seules empocheront 400 dollars et les familles 800 dollars par an en 2009 et 2010. Le projet comporte en outre plus de 20 milliards de réductions d'impôts destinées aux entreprises. Parmi les autres mesures les plus emblématiques, figure la reconduction et l'aménagement d'un crédit d'impôt pour les énergies renouvelables qui coûtera 13,1 milliards de dollars. Au total, les dépenses dans le secteur des énergies renouvelables s'élèvent à 19,9 milliards. A noter également 11 milliards de dollars destinés à moderniser le réseau électrique. Par ailleurs, 43,7 milliards de dépenses sociales seront allouées à l'aide aux familles et aux personnes touchées par la crise, dont 26,9 milliards pour prolonger un dispositif d'urgence pour l'indemnisation des chômeurs. (2) Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, est pessimiste ! «Nous traversons une période grave et dangereuse» alors que «le commerce va probablement connaître son plus important repli depuis 80 ans». À la veille d'une rencontre des ministres des Finances et des banquiers centraux des pays du G20, à Londres, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, se montre peu optimiste en ce qui a trait à l'économie mondiale. Ce dernier a déclaré que l'année 2009 serait « très dangereuse », car pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, tous les pays du globe seront en récession. Le président de la Banque mondiale s'est aussi dit inquiet que cette situation n'engendre une flambée de mesures et de politiques protectionnistes dans le monde. Une situation que redoute M. Zoellick pour les tensions qu'elle peut générer. Quand il y a des retournements économiques sérieux, ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'il y a une montée du chômage, l'opinion publique demande à ses dirigeants de faire quelque chose, et lorsque ceux-ci ont épuisé les outils constructifs, ils commencent à se montrer du doigt les uns les autres et à prendre des mesures protectionnistes et isolationnistes, et c'est la spirale négative à laquelle on a assisté dans les années 30.
« Les plans de relance ne seront pas suffisants ! » Questionné sur l'ampleur des mesures à déployer pour sortir les pays de la crise, M. Zoellick a expliqué que, selon lui, la proposition du Fonds monétaire international (FMI) de mettre en œuvre des plans de relance équivalents à 2 % du PIB des pays concernés était « un bon critère ». Le président de la Banque mondiale a cependant exprimé des réserves sur la capacité des plans de relance à sortir le monde de la crise. Pour être efficaces, ils devront être complétés par des trains de mesures qui visent aussi les banques, a expliqué Robert Zoellick. Ces mesures doivent toutefois être raisonnables et soutenables, prévient M. Zoellick, pour éviter de miner la confiance du public qui se retrouverait à supporter des déficits exorbitants pour financer ces remèdes économiques à grande échelle. (3) "A quand la fin de la crise ?" Les experts répondent
Pour Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie “Officiellement, l'économie fait face à un fort ralentissement. La crise des subprimes n'est pas terminée. Dans de nombreux cas aux Etats Unis, la valeur de l'emprunt immobilier dépasse celle de la maison”, explique le prix Nobel d'Economie Joseph Stiglitz dans un long entretien accordé à Libération. L'intellectuel, classé à gauche, dirige une commission mandatée par Nicolas Sarkozy chargée de réfléchir à de nouveaux instruments de mesure du bien-être économique. (4)
DANIEL COHEN, professeur d'économie à l'Ecole normale supérieure (ENS). Des corrections de l'Insee aussi brutales sont un phénomène rare. En juillet 2008, en pleine crise financière, les hypothèses de croissance demeuraient fortes. C'est après le krach de Lehmann, le 15 septembre, que les anticipations se sont retournées. La vitesse avec laquelle la crise se propage dans le monde est stupéfiante. Les déséquilibres antérieurs sont autant d'effets multiplicateurs. Pour la France, l'année 2009 est condamnée. Toute espérance de reprise doit être décalée d'au moins six mois. Aux Etats-Unis, la reprise par la consommation n'est pas pour demain. Des corrections de l'Insee aussi brutales sont un phénomène rare. En juillet 2008, en pleine crise financière, les hypothèses de croissance demeuraient fortes. C'est après le krach de Lehmann, le 15 septembre, que les anticipations se sont retournées. La vitesse avec laquelle la crise se propage dans le monde est stupéfiante. Les déséquilibres antérieurs sont autant d'effets multiplicateurs. Pour la France, l'année 2009 est condamnée. Toute espérance de reprise doit être décalée d'au moins six mois. Aux Etats-Unis, la reprise par la consommation n'est pas pour demain. Le consommateur américain, qui se croyait riche grâce à la Bourse et à l'immobilier, se découvre pauvre. Il ne dépense plus, occupé à reconstituer son taux d'épargne. Celui-ci, négatif avant la crise, remonte en flèche et approche déjà 5 %. Sans doute faudra-t-il attendre ici aussi le premier semestre 2010 pour voir poindre la reprise. Le gouvernement français, qui a brûlé en 2009 les cartouches prévues pour 2010, va devoir intégrer lui aussi ce délai supplémentaire. Un deuxième plan de relance est inéluctable. Dans ce contexte assez noir, le fait que l'inflation soit nulle en raison de la chute des cours des matières premières est une bonne nouvelle pour le consommateur européen. Il récupère ainsi le pouvoir d'achat dont la crise énergétique et alimentaire l'avait privé en 2007 et dans la première moitié de 2008. La baisse des taux d'intérêt européens qui va continuer est aussi une bonne nouvelle. (5) Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le caractère sombre des prévisions est une loi du genre. Les instituts de conjoncture utilisent des modèles linéaires qui ne savent pas traiter des discontinuités. C'est pourquoi l'Insee ne prévoit qu'à six mois. A l'OFCE, nous travaillons à imaginer, hors modèle, les discontinuités, en provenance surtout des Etats-Unis. L'équipe Obama injecte tellement d'argent contre la crise qu'on se dit qu'il finira bien par se passer quelque chose. L'Union européenne est plus timide. Le débat est d'ailleurs vif avec les Américains. Ils disent : "La maison brûle et nous sommes les seuls à lutter contre le feu." Ils n'ont pas tout à fait tort. L'UE dit qu'elle relance par ses stabilisateurs automatiques : moins d'impôts en provenance du secteur privé, des transferts sociaux réguliers. Mais la non-coordination des politiques de relance au sein même de l'Union est une tragédie. Les Européens auraient dû oublier qu'ils sont des nations. Le système donne une prime à celui qui relance le moins. On découvre que l'Europe est comme un mariage où chacun s'est organisé pour vivre seul. Quant à la date de sortie de crise, la réponse ne peut être qu'intuitive. On touche le fond en 2009, mais la sortie sera forcément décalée par rapport aux prévisions. Contrairement aux années 1930, les gouvernements font quelque chose. Alors il se passera quelque chose. (5)
Nicolas Baverez, économiste et historien. Les prévisions révisées de l'Insee sont cohérentes avec le caractère universel et la vitesse de propagation du choc déflationniste. L'Europe est particulièrement touchée pour quatre raisons : insuffisance et non-coordination des plans de relance, illustrées par la stratégie de passager clandestin du Royaume-Uni (dévaluation de 40 % de la livre) ; absence de solidarité avec les nouvelles démocraties ; retard à la baisse des taux et refus de la BCE d'agir autrement qu'avec ses outils habituels ; paralysie de la Commission européenne. L'Europe et les Etats-Unis ne coopèrent pas davantage. Ici, dominent l'obsession pour la régulation financière et la sous-estimation de la crise économique. L'administration Obama prend au sérieux la crise économique mais bute sur la restructuration des banques et la régulation du secteur financier. En France, les marges de manoeuvre du gouvernement sont réduites par la dette publique qui atteindra 80 % du PIB à fin 2010 pour des intérêts qui s'élèveront à 55 milliards d'euros en 2011. Sans parler des 55 milliards d'euros de déficit commercial. Pour 2010, aux Etats-Unis, le cocktail monétaire, budgétaire et fiscal permet une croissance positive si l'assainissement des banques progresse. En Europe, la croissance sera nulle, ce qui signifie que l'on continuera à voir disparaître entreprises et emplois.(5)