On parle beaucoup de l'invasion chinoise -et, à un degré moindre- indienne en Afrique du Nord, y compris en Tunisie. Pourtant, cette région reste une destination très marginale pour les flux commerciaux et les investissements chinois et indiens. C'est ce qui ressort de l'étude sur « La présence économique chinoise et indienne au Maghreb », élaborée par la chercheuse Françoise Nicolas Phénomènes appelés à s'amplifier Tant concernant le commerce international que les Investissements directs étrangers (Ide), l'on assiste certes à un phénomène nouveau: l'Afrique du Nord (Egypte, Libye, Tunisie, Algérie et Maroc) attire de plus en plus de nouveaux partenaires commerciaux et investisseurs, au premier chef desquels la Chine et l'Inde. Si ces phénomènes restent embryonnaires, ils sont cependant appelés à s'amplifier. L'Inde, et surtout la Chine, voient, en effet, depuis les années 2000, leurs échanges commerciaux avec la région augmenter très sensiblement. Les pays de la région sont en effet un bon débouché pour les exportations chinoises et indiennes de biens de consommation comme le textile, les appareils électroménagers et même certains produits alimentaires. En forte hausse depuis 2000, les exportations chinoises et indiennes vers les cinq pays objets de l'étude connaissent une forte accélération depuis 2003, surtout vers l'Egypte et, à un degré moindre, l'Algérie et le Maroc. Ces exportations sont cependant 6 à 7 fois plus importantes dans le cas de la Chine (13 milliards € en 2007, contre 2 milliards € pour l'Inde). La Chine est aujourd'hui le 2ème partenaire commercial du Maroc (derrière UE), le 3e de l'Egypte et de la Libye (derrière l'UE et les Etats-Unis), le 4e de l'Algérie et le 5e de la Tunisie. Avec la Chine, les pays nord-africains sont toutefois systématiquement déficitaires: la région a du mal à exporter vers cet immense pays. La Chine, par exemple, génère le 2e plus gros déficit commercial pour la Tunisie. Ce qui fait dire à Mme Nicolas: «Globalement, les deux grandes économies émergentes asiatiques restent des partenaires commerciaux relativement modestes pour les pays nord-africains, de la même manière, du point de vue de la Chine et de l'Inde, les cinq économies [nord-africaines] sont des partenaires commerciaux globalement négligeables.» Investissements en hausse, mais faibles En dépit de l'expansion des IDE en provenance de la Chine et de l'Inde observée dans les pays étudiés au cours de la période récente, ces pays ne semblent pas encore constituer une priorité ni pour la Chine ni pour l'Inde. Les chiffres, à cet égard, sont têtus. En Tunisie, par exemple, la France, l'Italie, l'Allemagne et la Belgique constituent, depuis toujours, les premières sources importantes d'Ide. Les principaux investisseurs sont donc européens et ils risquent de le rester encore longtemps. Les pays du Golfe et les Etats-Unis viennent en seconde et troisième positions. Très loin devant les investisseurs asiatiques. En 2007, l'agence tunisienne pour la promotion de l'investissement étranger, ne dénombrait que 6 entreprises chinoises pour 1.212 françaises ou à participation française. L'Inde ne figurait même pas sur la liste des principaux investisseurs étrangers en Tunisie. Ce n'est que très récemment que deux entreprises indiennes, Godavari Fertilisers & Chemicals Ltd (3ème producteur indien d'engrais), et Gsfc, ont mis sur pied, en partenariat avec deux sociétés locales, le Groupe chimique tunisien L'effet de levier de la crise La crise économique, qui oblige les pays de la région à diversifier leurs échanges commerciaux et leurs partenariats économiques, pourraient cependant exercer un effet dynamisant sur les investissements asiatiques dans les pays africains en général et ceux de l'Afrique du Nord en particulier, notamment dans le secteur pétrolier où des entreprises chinoises importantes (Cnpc, Sinopec et Cnooc) sont déjà présentes, ainsi que dans ceux des matières premières et des Btp. Soucieux, pour leur part, de diversifier leurs partenariats internationaux, afin de ne plus dépendre économiquement d'un seul grand partenaire, l'Europe en l'occurrence, qui traverse aujourd'hui une grande crise, les pays de la région, y compris la Tunisie, cherchent désormais, eux aussi, à développer leurs échanges avec les pays émergents, dont ces deux puissances économiques asiatiques. On pourrait donc tabler sur une progression remarquable au cours des prochaines années des échanges entre le Maghreb d'un côté et la Chine et l'Inde de l'autre.