Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, Donald Trump multiplie les décisions économiques et commerciales unilatérales. Portées par une logique imprévisible et parfois contradictoire, ses annonces tarifaires, notamment à l'égard de la Chine, ont engendré un climat d'instabilité économique tant à l'intérieur des Etats-Unis que sur la scène internationale. Une politique commerciale marquée par l'improvisation Le modèle américain du capitalisme de marché repose sur la transparence et la prévisibilité. Mais depuis début 2025, la méthode Trump bouscule ces principes. En annonçant brutalement la hausse des droits de douane sur les importations chinoises à 145 % — contre 20 % en janvier — Trump a pris de court aussi bien les importateurs que les producteurs américains, ces derniers étant eux-mêmes dépendants de matières premières venues de Chine. Même les entreprises supposément protégées par ces barrières tarifaires se sont retrouvées fragilisées par la hausse des coûts de production, les forçant à revoir leurs marges et à réduire leurs investissements. Une escalade incontrôlée, puis une trêve fragile Face aux ripostes chinoises — avec des droits de douane à 125 % — Trump a menacé de porter ses tarifs à 245 %, accentuant la confusion. Des négociations ont finalement abouti à une "trêve commerciale" de 90 jours, fixant les droits américains à 30 % et ceux de la Chine à 10 %, à compter du 12 mai 2025. L'annonce de cette trêve n'a toutefois pas rassuré les marchés. Les indices boursiers ont chuté, tandis que l'or et les cryptomonnaies ont grimpé, signe d'un transfert vers les valeurs refuges. Le pétrole, lui, a vu son prix baisser, en raison des craintes d'un ralentissement global du commerce mondial. Des effets mesurables sur l'économie américaine Les premiers impacts se sont fait sentir dès avril. Selon les données du département du Commerce, la production manufacturière a reculé de 0,4 %, sa première baisse en six mois. L'indice des prix à la production a chuté de 0,5 %, soit sa plus forte baisse en cinq ans. Du côté du travail, les chiffres sont également préoccupants : seulement 62 000 emplois ont été créés en avril, bien en dessous des prévisions (115 000), marquant le niveau le plus faible depuis juillet 2024. L'inflation mensuelle a légèrement augmenté, atteignant 0,2 % en avril (contre 0,1 % en mars), poussant la Réserve fédérale à maintenir ses taux d'intérêt, malgré les pressions de Trump pour les abaisser. Une communication déroutante L'absence de coordination entre les tweets présidentiels et les équipes de négociation a été flagrante. Le 9 mai, Trump écrivait sur X (anciennement Twitter) que des droits de 80 % sur les produits chinois "lui semblaient raisonnables", alors même que des discussions officielles étaient en cours avec Pékin. Cette cacophonie a jeté un flou sur la stratégie américaine, incitant certains pays à préférer la confrontation ou à entamer des discussions de manière prudente, redoutant des revirements de dernière minute. La Chine utilise ses leviers de pression Pékin, de son côté, a répliqué intelligemment : suspension des importations de certains produits américains, réduction des livraisons de terres rares, et gel temporaire des commandes d'avions Boeing. Face à ces coups de pression, Washington a été contrainte de revoir sa position et d'accepter la trêve. Cette confrontation, qualifiée par plusieurs observateurs de "guerre commerciale ouverte", va au-delà de l'économie : elle traduit un rapport de force géopolitique entre deux puissances cherchant à définir les règles d'un ordre économique mondial post-pandémique. L'Amérique au bord d'un tournant La trêve actuelle expire en juillet 2025. Deux scénarios sont envisageables : soit un accord structurel apaise les tensions, soit Trump relance son offensive tarifaire, isolant davantage les Etats-Unis sur le plan commercial. Plusieurs analystes estiment que ce second scénario ouvrirait la voie à une récession et précipiterait un réalignement mondial autour d'un système multipolaire, dans lequel des alliances alternatives pourraient se renforcer sans la domination américaine. Ainsi, en agissant selon des logiques plus proches d'un chef d'entreprise que d'un chef d'Etat, Donald Trump a introduit une part de risque politique dans la dynamique économique mondiale. Si son électorat voit dans ces mesures une démonstration de force, les faits économiques révèlent un système fragilisé, soumis aux revirements et à l'imprévisibilité. Pour les Etats-Unis, le coût de ces décisions commence à se mesurer : inflation, baisse de la production, ralentissement du marché de l'emploi. Et pour l'économie mondiale, la perspective d'un dérèglement durable reste bien réelle. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!