Une génération brillante, mais en fuite Ils sont jeunes, diplômés, talentueux... mais chaque année, des centaines de médecins fraîchement formés en Tunisie quittent le pays. En 2025, selon l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM), près de 84 % des nouveaux diplômés ont choisi l'exil. Sur environ 1 900 médecins formés, seuls 300 sont restés. Un chiffre qui illustre un phénomène devenu structurel. Depuis 2019, plus de 6 000 médecins tunisiens ont quitté le pays, contre seulement 266 en 2010. À cela s'ajoutent les 1 300 à 1 500 départs annuels désormais recensés. Le constat est clair : la relève médicale tunisienne s'épuise… Une grève nationale pour briser le silence Le 1er juillet 2025, près de 6 000 jeunes médecins ont observé une grève générale inédite pour dénoncer la précarité de leurs conditions d'exercice. Parmi les principaux griefs : * Salaires très faibles : entre 750 et 1 200 dinars pendant le service civil * Gardes médicales payées entre 1 et 3 dinars de l'heure, souvent en retard * Manque criant d'encadrement, surtout dans les hôpitaux de l'intérieur Avec 96,5 % de participation, la grève a été suivie d'une rencontre avec le ministère de la Santé et la signature d'un procès-verbal d'accord, salué comme un premier pas vers le dialogue. Derrière les départs: Une volonté d'agir autrement Mais partir ne signifie pas fuir ses responsabilités. C'est ce que rappelle Docteur Faiez Amouri, médecin anesthésiste-réanimateur installé en France, mais toujours animé d'un engagement profond envers la Tunisie. Issu du système éducatif public tunisien, il a suivi tout son parcours à la Faculté de médecine de Tunis, avant de travailler dans plusieurs hôpitaux du pays. « J'ai effectué toute ma scolarité en Tunisie. Après mon baccalauréat, j'ai intégré la Faculté de Médecine de Tunis, où j'ai poursuivi mes études jusqu'à la spécialisation en anesthésie-réanimation. J'ai eu l'occasion de travailler dans plusieurs hôpitaux tunisiens, ce qui m'a permis d'acquérir une première expérience professionnelle riche et formatrice. » a confié le docteur au micro de Tunisie Numérique. « J'ai choisi de compléter ma formation à Paris, où j'ai approfondi mes compétences, notamment en anesthésie loco-régionale et pour la chirurgie bariatrique. Aujourd'hui, j'exerce l'anesthésie-réanimation en France. » ajoute notre interlocuteur. Une voix engagée, tournée vers le pays Malgré la distance, il reste impliqué dans les débats liés à la santé en Tunisie, convaincu que cette migration médicale, bien qu'inquiétante, peut être une source de réflexion et de propositions concrètes. « Ce phénomène est complexe et multifactoriel. Beaucoup de jeunes médecins partent à la recherche d'un environnement propice à l'épanouissement professionnel, mais aussi à la formation continue, à la recherche et à la reconnaissance. » explique Dr Amouri. Et de souligner : « Tout différend peut trouver une issue positive lorsqu'il y a une volonté sincère de construire et de dialoguer. Le fait que le mouvement ait été suspendu montre qu'un terrain d'entente est possible. C'est un signe encourageant pour l'avenir. » Construire des ponts entre ceux qui restent... et ceux qui partent Porté par cette conviction, Dr. Faiez Amouri participera, le 19 juillet 2025 à Tunis, à un forum baptisé « Rencontre médicale entre les deux rives », organisé sous l'égide du ministère de la Santé. Cette journée rassemblera médecins exerçant à l'étranger, praticiens en Tunisie, décideurs et partenaires du secteur, avec pour objectif de bâtir un dialogue sincère et apaisé autour du phénomène de l'émigration médicale. Un message d'unité, d'espoir... et d'action Dr Amouri croit profondément que la Tunisie peut compter sur sa diaspora médicale, à condition de lui offrir un cadre d'action adapté et juste. Il souligne l'importance d'unir les forces : « Je suis convaincu que leur contribution, dans un esprit de dialogue respectueux et de complémentarité avec leurs confrères en Tunisie, peut être extrêmement précieuse. Qu'il s'agisse de transfert de compétences, d'enseignement, de projets collaboratifs ou même de retours ponctuels ou durables, chaque forme d'engagement compte. Mais cela ne peut se faire sans améliorer les conditions de travail, d'encadrement et de reconnaissance des médecins en Tunisie. C'est une étape fondamentale pour espérer ralentir l'émigration médicale et construire un avenir où les compétences choisissent de rester ou de revenir.« Il conclut : « Je crois profondément en la force du collectif et en la nécessité d'unir les efforts entre les professionnels de santé d'ici et d'ailleurs. Notre forum du 19 juillet s'inscrit dans cette logique : créer des passerelles, écouter toutes les voix, et construire ensemble des solutions durables, dans l'intérêt du système de santé tunisien et, surtout, des patients. »
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