Le président français Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de faire preuve de « plus de fermeté et de détermination » vis-à-vis de l'Algérie, relançant une crise diplomatique latente sur fond de détention de ressortissants franco-algériens, de tensions migratoires et de coopération bilatérale gelée. Dans une lettre officielle adressée à son Premier ministre François Bayrou – publiée ce mercredi par Le Figaro – le chef de l'Etat français insiste sur la nécessité de faire respecter la France auprès de ses partenaires, y compris l'Algérie. Il y évoque explicitement le sort du romancier Bualem Sansal, condamné à cinq ans de prison en Algérie pour « atteinte à l'unité nationale », et celui du journaliste français Christophe Glez, condamné quant à lui à sept ans d'emprisonnement pour « apologie du terrorisme ». Suspension des facilités de visas et pression sur la diplomatie consulaire Parmi les premières mesures annoncées, Emmanuel Macron demande à son gouvernement de suspendre officiellement l'accord bilatéral de 2013 entre Paris et Alger, qui prévoyait des exemptions de visas pour les porteurs de passeports diplomatiques et de service. Cette décision entérine une pratique déjà mise en œuvre de facto depuis le mois de mai, selon les déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Celui-ci avait alors indiqué le rappel de tous les diplomates français ne disposant pas de visa en cours de validité, en réponse à l'expulsion de personnel français décidée unilatéralement par Alger. Macron veut désormais formaliser cette riposte diplomatique, en s'appuyant également sur la loi sur l'immigration adoptée en 2024, qui permet de refuser les demandes de visa, même pour les profils diplomatiques ou officiels. Vers une pression migratoire accrue sur l'Algérie Le chef de l'Etat va plus loin et demande au ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, connu pour ses positions très fermes sur les questions migratoires, d'explorer de nouvelles formes de coopération avec son homologue algérien dans les plus brefs délais. Macron appelle à un traitement « sans relâche » de la question des ressortissants algériens en situation irrégulière sur le sol français. En clair, Paris entend accroître la pression sur Alger pour obtenir le retour de ses ressortissants, en conditionnant toute normalisation à des engagements concrets sur ce sujet. En parallèle, l'activité consulaire algérienne en France reste suspendue, avec seuls trois consuls autorisés à exercer, et la levée de cette restriction est conditionnée, selon Macron, à une « relance effective » de la coopération migratoire. Ce n'est qu'à ce prix, écrit-il, que Paris acceptera la nomination de cinq autres consuls actuellement en attente de validation. Une crise aux multiples facettes Emmanuel Macron lie également cette fermeté nouvelle à d'autres dossiers sensibles dans les relations bilatérales, évoquant notamment la dette hospitalière de l'Algérie envers les établissements français, l'activité de certains services étatiques algériens sur le sol français, ainsi que les questions mémorielles non résolues liées à la colonisation et à la guerre d'indépendance. Cette montée de ton tranche avec l'apaisement diplomatique observé quelques mois plus tôt : en mars 2025, les deux présidents – Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune – s'étaient entretenus par téléphone, annonçant une normalisation des relations, notamment dans les domaines de la sécurité et de l'immigration. Un climat tendu depuis le dossier du Sahara occidental Mais cette dynamique a rapidement été mise à mal par le soutien public de Macron au plan marocain d'autonomie au Sahara occidental, annoncé fin juillet, qui avait conduit Alger à rappeler son ambassadeur à Paris. Depuis, la détention du romancier Bualem Sansal et les poursuites judiciaires visant Christophe Glez ont ravivé les tensions, mettant en lumière des divergences profondes sur les libertés, la justice et la gestion bilatérale des dossiers migratoires. Ainsi, en adressant ce message de fermeté, Emmanuel Macron veut repositionner la France dans le rapport de force diplomatique avec Alger, tout en répondant à une opinion publique française de plus en plus attentive aux questions migratoires et sécuritaires. Mais cette stratégie risque aussi d'envenimer davantage une relation historiquement marquée par la défiance, la mémoire douloureuse et les tensions postcoloniales. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!