La tension continue de monter entre Paris et Alger. Trois jours après le procès de l'écrivain Boualem Sansal, incarcéré depuis le 16 novembre 2024 en Algérie, le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a formulé deux exigences à l'adresse des autorités algériennes. Dans une déclaration à la presse samedi 23 mars, il a demandé la libération immédiate de son ami écrivain, avant de remettre sur la table la question de l'expulsion des Algériens en situation irrégulière en France. « Je veux que l'Algérie libère Boualem Sansal », a déclaré le ministre, visiblement remonté. L'écrivain de 74 ans est détenu depuis son arrestation à l'aéroport d'Alger. Il est poursuivi pour des propos jugés hostiles à l'Etat algérien après avoir déclaré qu'« une partie de l'Algérie appartenait historiquement au Maroc ». Lors de son procès, le 20 mars, le parquet a requis dix ans de prison ferme. Le verdict est attendu pour le 27 mars. Bruno Retailleau a dénoncé un procès expéditif : « Il est âgé, malade, détenu injustement. C'est un procès fantôme en 30 minutes. C'est un scandale. » Figure de la droite dure française, il défend une ligne intransigeante envers Alger, au risque de froisser l'Elysée et certains membres de son propre camp. Crise France-Algérie : l'accord de 1994 au cœur du bras de fer Le second message du ministre visait directement la politique migratoire. « Je veux que l'Algérie applique l'accord de 1994, selon lequel elle doit admettre sur son territoire ses ressortissants », a-t-il affirmé, en référence aux Algériens visés par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Retailleau a pris l'exemple de l'attentat au couteau de Mulhouse, le 22 février dernier, ayant coûté la vie à une personne. L'auteur, un ressortissant algérien sous OQTF, aurait été présenté « 14 fois » aux autorités algériennes, qui auraient systématiquement refusé son rapatriement. « C'est un Algérien dangereux. Mulhouse est le symbole de ce laxisme », a-t-il martelé. Le bras de fer se durcit au sommet de l'Etat Face aux critiques sur le ton employé vis-à-vis d'Alger, Retailleau ne recule pas. « Personne ne parviendra à me faire taire. C'est ma liberté, je garde cette parole libre », a-t-il insisté, balayant les appels au dialogue lancés par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui avait plaidé la veille pour « la réouverture des voies de la coopération avec l'Algérie dans l'intérêt des Français ». Au sommet de l'Etat, le ton tranché adopté par Bruno Retailleau à l'égard d'Alger ne fait pas l'unanimité. À l'Elysée, certains conseillers redoutent que cette posture frontale ne fragilise davantage une relation bilatérale déjà minée par des différends migratoires, mémoriels et sécuritaires. Si la fermeté sur les OQTF est partagée, la méthode – perçue comme brutale – suscite des doutes sur son efficacité diplomatique. Le président Emmanuel Macron, qui avait amorcé en 2022 une phase de « réconciliation mémorielle » avec Alger, garde le cap du dialogue, tout en laissant son ministre de l'Intérieur occuper le terrain médiatique. En privé, certains responsables regrettent que les sorties de Retailleau compromettent les canaux de discussion ouverts avec la partie algérienne, au moment où plusieurs dossiers sensibles nécessitent une coopération active. Dans ce climat déjà tendu, ces prises de position tranchées risquent d'envenimer davantage une relation diplomatique marquée par des désaccords persistants sur les dossiers migratoires, mémoriels et sécuritaires. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!