Curieuse image qu'offre notre pauvre Tunisie. Les réactions et prises de position, officielles et officieuses, se multiplient depuis les derniers évènements qui ont secoué la capitale. Un ambassadeur qui se sent menacé dans sa chair et non protégé dans son ambassade et qui supplie le président de la république de le tirer de la situation rocambolesque dans laquelle il s'est trouvé. Le même ambassadeur qui se trouve obligé de faire des déclarations officielles apaisantes, et qui publie sur le site de son ambassade des « reproches » pour le gouvernement. Une puissance mondiale qui s'empresse d'aligner la Tunisie sur la liste des pays abritant des terroristes. Cette même puissance ordonne le rapatriement immédiat de son personnel diplomatique et qui édite des appels à la vigilance à ses ressortissants et leur déconseille de voyager en Tunisie. Des voix qui s'élèvent dans le sénat de cette même puissance pour appeler à annuler une garantie auparavant émise pour cautionner le remboursement des dettes contractées par le pays. La France qui ordonne la fermeture de toutes ses missions en Tunisie, par peur de représailles, devant le constat que la police locale est incapable d'appréhender un seul homme en plein jour, et qui conseille aux français d'éviter les lieux de grande foule et les monuments susceptibles d'être « cibles d'attentats ». L'Allemagne qui ne veut pas être surprise, et qui prend les devants en ordonnant la fermeture de son ambassade les « jours de prière » pour risque d'attentas terroristes et qui appelle ses ressortissants au maximum de vigilance. La confédération suisse qui annule une visite officielle de sa Secrétaire d'Etat pour des raisons de sécurité. Un nombre qui devient incalculable d'évènements et de manifestations d'envergure internationale, annulés toujours, pour raison de situation sécuritaire instable et « imprévisible ». Des milices salafistes qui sillonnent le pays, armes au poing, dictant leur loi sans être dérangées. Ces mêmes milices qui se permettent une démonstration de force lors d'un défilé « para militaire » pour exhiber leur maîtrise d'un art martial propre à eux. Des touristes qui se font remonter les bretelles parce qu'elles déambulaient justement en bretelles. Des agressions qui se répètent n'épargnant même pas des élus étrangers qui se font tabasser de belle façon. Voilà l'image que perçoivent de nous des pays, jadis, amis. Malheureusement pour nous, les citoyens lambda de cette pauvre patrie, cette image si peu reluisante nous englobe tous autant que nous sommes. Pour eux, nous somme onze millions de « sauvages » peu fréquentables. Nous vivons dans un pays où il ne fait pas bon vivre, et nous ne sommes désormais plus les bienvenus chez les autres. Pourtant ils ne sont que quelques milliers, ils ont beau rameuter tous leurs fidèles des quatre coins du pays à force de navettes gratuites, ils n'étaient que quelques milliers. Quelques milliers qui savent faire beaucoup de bruit, quelques milliers qui ont su abuser du tempérament pacifique du tunisien, et entretenir chez lui un climat de terreur. Quand allons-nous crier à pleins poumons que nous ne sommes pas tous comme ça ? Quand allons-nous dire que cette poignée d'énergumènes ne représentent pas les tunisiens avec leur civilisation millénaire ? Probablement, jamais. Car la « majorité silencieuse » est, apparemment, devenue définitivement et irrémédiablement muette.