A quelques mètres de la ligne invisible qui sépare l'Italie de la France sur la Côte d'Azur, un panneau accueille les visiteurs: “Vintimille, porte d'entrée de l'Italie, où la beauté n'a pas de frontières.” Les centaines d'immigrants tunisiens qui espèrent entrer en France cherchent plutôt quant à eux à quitter la petite ville côtière, où les immobilise une querelle entre Paris et Rome qui souligne les tensions provoquées par l'immigration en Europe. Selon certains chauffeurs de taxi, les immigrants paient des “porteurs” pour les faire entrer clandestinement en voiture en France. D'autres préfèrent s'aventurer sur le “sentier de la mort”, l'un des chemins de montagne naguère empruntés par les Italiens pour fuir le régime fasciste. L'attraction exercée par la France est forte pour nombre d'immigrants nord-africains, qui espèrent retrouver des membres de leur famille vivant dans ce pays. La majeure partie d'entre eux parlent d'ailleurs français et pensent qu'il est plus facile d'y trouver du travail qu'en Italie. Mais pour Karim, charpentier de 29 ans qui a un visa en règle pour l'Italie et qui est venu à la recherche de son frère cadet, l'Europe n'est pas la terre promise dont rêvent les émigrants. “Ils viennent ici en pensant qu'ils vont trouver un paradis, mais ils ne font que se taper la tête contre un mur”, dit-il dans un italien courant, dans une ancienne caserne de pompiers reconvertie en centre d'hébergement provisoire pour les immigrants, dans la banlieue de Vintimille. L'Italie accorde des permis de séjour provisoires pour les immigrants qui veulent se rendre dans d'autres pays de l'Union européenne mais la France refuse de les accepter et la police française refoule des immigrants qui tentent de passer la frontière. Le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a déclaré jeudi que la France n'entendait pas “subir” un afflux d'immigrés clandestins en provenance du Sud méditerranéen, notamment de Tunisie, et refoulerait vers l'Italie les clandestins qui ne disposent pas des ressources nécessaires. CERTAINS PERDENT PATIENCE La France conteste la décision des autorités italiennes de délivrer ces permis de séjour provisoires aux milliers de clandestins tunisiens arrivés en Italie depuis le 1er janvier via l'île de Lampedusa. “L'Italie a un problème dont je conçois qu'il soit difficile à gérer mais je le répète, la France n'entend pas subir une immigration qui n'a qu'un caractère économique”, a souligné le ministre. “Qu'est-ce qui va nous arriver?”, se demande un immigrant à Vintimille, Boulbaba Bouzaieme, âgé de 29 ans. Nombreux sont ceux qui se demandent ce que se diront le président du Conseil italien Silvio Berlusconi et le président français Nicolas Sarkozy lorsqu'ils évoqueront la question des immigrants le 26 avril à Rome. Vintimille n'accueille qu'une petite partie des 25.000 Tunisiens arrivés depuis janvier à Lampedusa, à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie. Mais chaque soir, de nouveaux arrivent par le train en provenance de Rome. Certains n'ont pas mangé depuis quatre jours, d'autres ont des ennuis de santé, souligne le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ceux qui sont trop épuisés pour tenter de franchir la frontière acceptent d'être conduits au centre d'hébergement temporaire, où ils reçoivent des soins médicaux, des vivres, et peuvent dormir sur un lit. “La situation s'est améliorée un peu, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver ce soir”, déclare un responsable régional du CICR, Massino Nisi. A Vintimille, certains commencent à perdre patience. Gaetano Scullino, le maire centre-droit de la ville, dit être seul pour faire face à une situation comme il n'en a pas vu depuis des années. “On ne va pas s'apitoyer sur nous-mêmes, mais l'Europe devrait assumer sa part de responsabilité”, dit-il à Reuters.