Alors, face à ce phénomène appesanti pour l'Italie, la France et l'Europe, les autorités ont dû faire tourner leurs moulins: l'Italie a décidé de régulariser la situation de ces migrants en leur délivrant des cartes de séjour valable pour six mois. Des papiers au semblant légal, mais qui posent, tout de même, problème lorsque leurs propriétaires tentent de passer la frontière française, autrement dit la porte de l'eldorado. Mardi 26 avril 2011, MM. Sarkozy et Berlusconi se sont réunis en sommet à Rome afin d'évoquer des dossiers sensibles, notamment celui de l'immigration tunisienne. Dans ce bouilli, la Tunisie semble, à quelque endroit, coincer la bulle. Le gouvernement tunisien dénonce tel acte et fait, a contrario, acte de frilosité. Et nous ne pouvons que nous en étonner. Point d'orgue du Sommet: la volonté de suspendre les accords de Schengen que l'Elysée avait annoncé le 22 courant. Cependant, le conseiller spécial du président français, Henri Guaino, affirme que la France «ne veut pas suspendre ces accords» (lire notre article). En fait, il s'agit plutôt de «revoir les clauses de sauvegarde dans des situations particulières», soit donc l'immigration massive subie par l'Italie et par la France depuis la révolution tunisienne. Du côté italien, le chef de sa diplomatie, Franco Frattini, déclare que son pays s'affiche favorable à un genre de «contrôle technique» dans le but de fixer l'étendue du Traité de Schengen dans son adaptation aux réalités actuelles. Paris et Rome se jetaient presque la balle l'un dans le camp de l'autre. Lorsque Paris a bloqué la circulation des trains en provenance de Vintimille en destination de la France, Rome s'est mis en colère. Appareil rendu, la France, à son tour, a grincé les dents quand l'Italie décide d'octroyer des permis de séjours à pas moins de 20.000 immigrés tunisiens. Logique. Car, en prenant pareille décision, Rome se montre plutôt compréhensive et coopérative, et par ricochet, aiguillonne à sa manière d'autres prétendants à l'immigration clandestine. Le gouvernement tunisien fait dos rond! Marquons, à ce stade, un temps d'arrêt: l'immigration clandestine des Tunisiens ne doit-elle pas être le problème du gouvernement tunisien? D'accord, la France et l'Italie, en tant que victimes de ce «fibrome», survenu à brûle-pourpoint après la Révolution, sont ainsi, par la force des choses, concernées. Ils intègrent ainsi à grands fracas ce champ de bataille, retroussent leurs manches et s'échinent à maintenir la sécurité sous leurs cieux. Toutefois, que fait notre gouvernement afin de calfeutrer les brèches, principales motivations de ces jeunes immigrants? Le gouvernement tunisien n'a-t-il pas conscience de la perte que ce phénomène engendre au pays? Tout ce capital humain, sur lequel l'économie nationale devra compter afin d'être hissée, fuyant pourtant la Tunisie parce que totalement pessimiste à l'égard d'un avenir qu'il considère non prometteur, un peu soit-il. Pourquoi, pareille posture stoïque du gouvernement, se contentant d'un simple «nous dénonçons ce comportement» dont nous sommes devenus si las? Là c'est plus clair que de l'eau de roche, cela ne fait pas la rue Michel. Le gouvernement tunisien ne doit pas passer à côté d'une réalité plus qu'évidente: ces immigrants tunisiens portent l'image de la Tunisie à l'étranger, s'ils décident -et c'est dans la majorité écrasante des cas- de la salir, c'est tout le peuple qui en pâtira par la suite. Les Tunisiens se montrent fiers aujourd'hui d'avoir mené leur Révolution, il serait crétin de se voûter devant l'étranger parce qu'une fois devant le fait accompli, ces immigrés clandestins restent le bec dans l'eau. - Tous les articles sur Lampedusa