Au vu de l'accueil mémorable qui lui a été réservé en Tunisie et les soubresauts que cette visite éclair aura marqué, le philosophe et écrivain s'est vite empressé d'en minimiser la portée dans le journal « Le Point » où il signe une chronique hebdomadaire. En donneur de leçon, en défenseur zélé de la démocratie, en chantre de la liberté et en un écrivain d'une qualité rare comme nos contemporains n'en ont jamais connu, BHL remet l'hostilité qu'a suscitée sa visite sur le compte de « quelques dizaines d'islamistes ou peut-être d'exilés khadafistes qui m'attendaient à l'aéroport et s'indignaient de voir un « sioniste » poser son sale pied à l'aéroport ». De cette ire, BHL ne s'en est guère offensé et offusqué étant l'apanage « d'un groupe de crétins » L'objet de son grief réside dans le « délire conspirationniste et complotiste » auquel s'est apparenté sa visite alors qu'il était venu « rencontrer dans un hôtel au vu et au su de tout le monde des amis libyens », si chers à son cœur et sa vocation, «des amis libyens sortis exprès de Tripoli, Benghazi, les villes du Djebel Nefousa, Misrata, Zaouia, afin de poursuivre en terrain neutre, et avec moi, le dialogue de réconciliation nationale. » Rien que ça. A ces voix médisantes affirmant catégoriquement que l'illustre BHL a été expulsé ou, plus sobrement, prié de quitter le territoire tunisien pour trouble à l'ordre public, l'intéressé s'indigne et pense élever un argument d'autorité et son statut de « citoyen français ». Un ressortissant d'un pays ami ne saurait être expulsé par un pays qui vient brillamment de dispenser une magistrale leçon de démocratie à toute la région, un pays qui vit pour la deuxième fois en trois ans une alternance pacifique au pouvoir, avance-t-il en déplorant le relent antisémite dont les manifestants étaient animés. Depuis hier, l'on ne cesse de ressasser la visite de BHL et les tunisiens avertis se sont bien chargés de lui rendre la monnaie de sa pièce à cet arrogant personnage qui croit savoir « que la démocratie n'est pas seulement une élection.» La démocratie serait aussi de se rappeler que la Tunisie est un pays souverain et tout pays souverain se doit d'être averti d'une visite qui ne revêt en rien le caractère d'une flânerie d'un promeneur solitaire sur les terres d'une jeune démocratie mais celui d'une visite diplomatique de concertation sur le conflit libyen. Et n'en déplaise à Sieur BHL, la Tunisie est concernée au premier chef par la crise libyenne ne serait-ce que par les inextricables frontières qui tiennent ces deux pays sont tenus et qui recèlent de bien épineux enjeux. En observateur et acteur aguerri de conflits, cette implacable vérité n'a pas dû échapper à BHL. Et puis aurait-il pu s'épargner cette kermesse s'il n'était pas échiné à alimenter toutes les suspicions de part les sournoiseries qu'il a cultivées hors de la vue et su de tout le monde. Aujourd'hui, ce que les tunisiens retiennent de la Libye, c'est ce pays en proie au chaos et par le quel un pernicieux trafic d'armes s'opère à des desseins de déstabilisation. Comment ne pas se mêler de ce conflit qui se joue sur nos frontières ? Comment ne pas avoir à l'esprit le souvenir de Bernard Henry Lévy , s'insurgeant , depuis le perron de l'Elysée, contre la passivité de la communauté internationale face au bain de sang qui s'apprêtait à raser Misrata et Benghazi et militant auprès du président de l'époque, Nicolas Sarkozy, en faveur d'une intervention de l'OTAN et de l'armement des rebelles en Libye, une Libye réduite à un champ de ruines, désormais. Le pays de la troisième voie où « les laïcs » et les déchus de l'ancien régime, comme certains se complaisent à les nommer, sont parvenues à se démarquer sans recours à la répression et aux armes était jusque là passé sous l'indifférence de BHL et ça lui a plutôt bien réussi.