Les disparités entre la Tunisie du nord et du sud ont été le dénominateur de la révolution. Et d'aucuns s'accordent que la fracture s'est exacerbée 3 ans après la révolution. Une lecture des élections législatives avait conforté cette conclusion. Néji Jalloul, dirigeant au sein de Nidaa Tounès, parti désavoué par les électeurs du sud, s'était attiré les foudres de plusieurs en adoptant cette analyse. Il s'en explique aujourd'hui en soulignant que certaines parties ont déformé ces propos. «Les artisans de l'état moderne avec ces piliers comme l'infrastructure, les hôpitaux et les universités se sont exonérés de leurs responsabilités au sud de la Tunisie qui a été marginalisé et dépouillé des fondements de l'état moderne » a martelé Neji Jalloul dans un entretien au journal « Assarih » estimant que le vote du sud tunisien s'interprète non pas comme un vote d'adhésion au mouvement Ennahdha mais comme une sanction contre Nidaa Tounès qui se revendique du legs et de l'héritage de celui qui a posé les jalons de l'état moderne, Habib Bourguiba. « La discrimination positive a été le leitmotiv de plusieurs candidats, néanmoins, elle n'a pas encore porté ses fruits en matière de développement », a-t-il poursuivi. Et d'ajouter qu'il est nécessaire pour le prochain gouvernement de résorber cette fracture. Neji Jalloul a, d'ailleurs, admis la contribution de cette région dans la Tunisie dans l'indépendance et concédé avoir laissé pointer une confusion dans des esprits n'ayant pas déchiffré son message. Réputé pour sa farouche opposition au mouvement Ennahdha, Jalloul s'est fait moins critique à l'égard de ce mouvement qui « montre aujourd'hui les prémices d'un changement et d'un début de « tunisation » une adaptation à la culture tunisienne. Si l'exil forcé de plusieurs membres du mouvement islamiste les avait écartés de la réalité tunisienne, ils semblent aujourd'hui l'accepter et s'en accoutumer. « L'idéologie de ce mouvement trouve sa racine et son influence chez la confrérie islamiste mais ce mouvement s'enracine petit à petit dans la « tunisianité », a estimé Neji Jalloul précisant que le mouvement a amorcé son examen de conscience et qu'il faut lui reconnaître un certain changement. « Nidaa Tounès a été utile à Ennahdha car il a poussé le mouvement islamiste à réviser ses fondamentaux et à s'en remettre à la société tunisienne en rééquilibrant le paysage politique » a affirmé Jalloul. Sur les rapports des deux mouvements, Jalloul a jugé que les deux forces politiques du pays se concurrencent. « Nidaa et Ennahdha ne sont pas adversaires mais concurrents et on ne peut exclure un mouvement qui représente la deuxième force politique du pays et dont le socle électoral est estimé à 950.000 électeurs » a prévenu Jalloul. Quid d'une future alliance entre les deux principales forces politiques du pays ? Sur les craintes de l'hégémonie de son parti, il a affirmé que la constitution de 2014 a prémuni des abus et des excès d'un régime hyper présidentiel où tous les pouvoirs étaient conférés à un « monarque » qui constituait la clé de voûte du pouvoir. « Aujourd'hui, il y a un vrai équilibrage entre le parlement et la présidence et la société civile veille au grain et préviendra du moindre abus ou dérive. De surcroit, les prérogatives du futur président sont limitées » a conclu Néji Jalloul.