Hamadi Jebali, le 6ème Calife autoproclamé, dans un lapsus révélateur d'un rêve enfoui, se croit toujours investi d'un destin impérial sinon divin, toujours en quête d'intronisation. Destitué de son piédestal par le guide spirituel de la confrérie, il revient à la charge, non dans une méprise verbale comme naguère mais bel et bien dans un langage suintant le dogme radical à plein nez. Cette fois-ci, rien n'est sorti de son contexte, parade dont il aime user et abuser pour relativiser ses invectives et ses sorties de route, comme tout bon nahdhaoui, devant l'éternel, égal à lui-même et fidèle à son sempiternel discours à géométrie variable. Cette fois-ci, il s'agit bel et bien d'idées mûrement réfléchies et sciemment déclinées. En avertissant que dixit « Le califat viendra malgré nous et dans son image la plus effroyable« , Hamadi Jebali brandit l'épouvantail de Daech, suggérant que le Califat, dans son expression la plus sanguinaire, est une fatalité à laquelle toute la Tunisie, bien que fortement réfractaire à ce genre d'institution que l'histoire a enterrée, est appelée à abdiquer et à se soumettre. Inutile de lutter, de résister, il n'y a point d'alternative. Les hordes de Daech arrivent à grandes enjambées, leur bruit de bottes est bien perceptible. Sauve qui peut ?!N'y a-t-il pas là un souffle de menace, une arrière-pensée de cultiver la peur, un arrière-plan de prophétie sur fond de prédication ?! Comment ne pas faire la parallèle avec sa déclaration, spontanée et non moins fougueuse, aux termes de laquelle il a annoncé, en Novembre 2011, encore dans l'euphorie de la victoire électorale, devant un parterre de partisans acquis à sa cause et buvant ses paroles comme du petit lait, « l'avènement du 6ème Califat« . Propos chargé de symbole et de marquage qu'il n'a cessé depuis, en vain d'ailleurs, d'en atténuer, voire d'en faire oublier l'effet. Et comme par hasard, la référence au Califat fleurit immanquablement sur la bouche de Hamadi Jebali après chaque échéance électorale. La coïncidence est à la fois saisissante et troublante. A se demander si le principe de scrutin ne fait pas sortir Hamadi Jebali de ses gonds et ne le contraint pas à dévoiler son vrai visage ?! Peut-être que, dans les replis de son âme, il abhorre, sans le dire, toute idée de suffrage ou de vote. Et comme pour s'en exorciser, il laisse échapper, peut-être à son insu, son idéal de Califat. Il n'est pas interdit de conclure que Hamadi Jebali a trahi sa pensée profonde et a fait tomber la feuille de vigne derrière laquelle il s'évertue à dissimuler sa conviction nullement républicaine ou démocratique ainsi que sa vision messianique obscurantiste. Il n'a pas dit que la démocratie est le pire ennemi du terrorisme. Il n'a pas dit que le processus de démocratisation en cours d'achèvement en Tunisie immunise le pays, l'Etat et le peuple. Rien de tout cela, rien qu'une projection d'effroi, irrésistible et inéluctable, à laquelle toute opposition sera manifestement vaine. Au lieu de prévenir et prémunir, il avertit et cultive la peur. Signal d'alarme ou cloche de trépas ?! Au lieu d'appeler à s'armer de vigilance et à mutualiser les forces pour lutter contre un ennemi barbare avançant à visage maqué. Que nenni ! Il éructe que le mal sera inévitablement fait, quoique le peuple tunisien fasse, et prépare le terrain à l'invasion vandale, en insufflant, entre les lignes et à travers les mots, que la Tunisie est désormais un fruit mûr à la cueillette et qu'il suffit de se baisser pour le ramasser. Hamadi Jebali caresserait-il le rêve qu'une fois Daech aurait fait main basse sur le pays, il serait bombardé 6ème Califat, comme il l'appelait de ses plus sourds vœux en 2011 ?! Auquel cas, une question s'impose d'elle-même : L'autre autoproclamé Califat et prince des croyants, à savoir le ténébreux Abou Bakr Baghdadi, aurait-il vu d'un bon œil un tel acte de lèse-majesté ?! Le cas échéant, Hamadi Jebali devrait se tenir à carreau sinon il serait décapité sans autre forme de procès. Hamadi Jebali, son éternel rictus sur la bouche et le regard mauvais, décline le funeste scénario comme s'il annonce une vérité implacable. Est-il au secret des dieux ou plutôt des diables ?! Ses propos sont drapés de nuances, pétris de sous-entendus. Dans sa grande bonté, l'évincé du bocage nahdhaoui, laisse, aux tunisiens, le choix entre un califat light et un Califat Hard. Comme si le choix entre la peste et le choléra est un acte de libre arbitre. Les tunisiens seront de toute façon mangés, il reste juste à savoir à quelle sauce. On dirait que, quelque part, Hamadi Jebali annonce la couleur, bafouille un message d'apocalypse. Il habille les perspectives de terreur et recommande aux tunisiens, sans l'avouer franchement certes, de ne pas s'opposer à ce destin noir. On n'agite pas le spectre de l'épouvante sans motif ni visée. En effet, l'histoire enseigne que la peur est l'allié naturel et le mauvais génie de la dictature. C'est l'instrument de soumission par excellence de tout régime despotique. Et même si les tunisiens ont défoncé le mur de la peur il n'en demeure pas moins qu'une certaine crainte gronde encore dans leur subconscient. Il n'est pas question ici ni de faire un procès d'intention ni de diaboliser, vaille que vaille, Hamadi Jebali, mais de disséquer les propos et de traquer la trace de leur source d'autant plus que la funeste déclaration en question s'inscrit dans la droite lignée de la doctrine islamiste et même de la pensée profonde de Hamadi Jébali. N'est-ce pas lui qui affirmé, à l'hebdomadaire « Réalité » le 17 Février 2011, qu'après avoir stabilisé la démocratie, le contexte sera mûr pour appliquer la Chariaâ . Celle-ci est dixit « un texte divin et Dieu ne peut prescrire l'iniquité pour les humains« . Et d'ajouter qu'Ennahdha » n'interdira pas le licite permis par Dieu lui-même, sinon nous ne serions plus un mouvement islamiste« . Alors, connaissant cela, invoquer le lapsus ou la phrase arrachée de son contexte, ça ne tient ni la route ni debout. Ce serait même autant grotesque qu'insondable.