L'enquête l'affirme sans ambages. En Afrique du nord notamment en Tunisie, on se sent d'abord musulman et citoyen ensuite. Selon une étude intitulée « Les affaires religieuses et la politique dans le monde arabe » et réalisée par l'institut de sondage « Sigma Conseil », en partenariat avec l'Observatoire arabe des religions et des libertés (OARL) et la fondation allemande Konrad Adenauer, le sentiment d'appartenance religieuse l'emporte sur le sentiment d'appartenance citoyenne en Afrique du Nord. En Tunisie, ce constat, atténué par les 53, 2% chez qui le sentiment de citoyenneté prévaut, échoue sur une autre révélation: s'il faut choisir entre les identités religieuse et citoyenne, c'est la première qui l'emporte à l'unanimité. L'ambiguïté du rapport à la religion: Il demeure une certaine ambivalence dans le rapport à la religion en Afrique du nord. Le contexte géopolitique actuel a mis en avant ces interrogations et alors que la radicalisation renvoie au dévoiement de la religion, les liens qui tiennent les individus à leur religion semblent, parfois, équivoques. En Afrique du nord, on reste très attaché aux pratiques religieuses, surtout à la prière et au Ramadan, qui ne souffre pas l'ombre d'un rejet. Cette pratique remporte l'adhésion de la population nord-africaine à plus de 95%. Néanmoins, la religion est perçue comme une affaire individuelle. Ceci relève avant tout d'un ancrage culturel, commente Hassen Zargouni, président de Sigma, dans « Jeune Afrique », qui publie les résultats de ce sondage. En somme, l'appartenance religieuse semble transcender l'appartenance républicaine et citoyenne. Mais aux confins de ce sentiment religieux, qui comme tout sentiment religieux repose sur des dogmes, l'Afrique du Nord est encline à la tolérance. Ainsi, l'immense majorité des sondés estime que, quelle que soit leur religion, les citoyens d'un même pays doivent avoir les mêmes droits. Ils sont notamment 95,4% dans ce cas au Maroc. Même constat pour l'Egypte (94,1%) ou l'Algérie (93,8%), avec un chiffre plus faible pour la Libye (90%) et, surtout, pour la Tunisie (85,3%) – ce qui pourrait constituer un motif d'inquiétude. Rejet des signes ostentatoires et de Daech: En Tunisie, 84, 3 des tunisiens rejettent les signes ostentatoires religieux comme le niqab (voile intégral) ou la barbe. De même, la condamnation du groupe de l'Etat Islamique est unanime. Toutefois, les préoccupations vis-à-vis de cette question divergent d'un pays à l'autre. 83, 3% des tunisiens sont préoccupés par cette question contre 39, 4% des égyptiens. Séparation entre politique et religieux: Le statut progressiste conféré à la Tunisie joue un rôle important dans cette question. On observe que seulement 23, 4% des sondés acceptent la chariaa (loi islamique) contre 62, 9% des sondés en Algérie, 54, 9% des sondés au Maroc qui approuvent son application. En Libye, ils sont 78, 7% à l'approuver. Cet attachement viscéral traduit-il un conservatisme ou esquisse t-il le début d'une radicalisation? La question est épineuse et ses réponses n'en apparaitront pas moins insidieuses. Enquête réalisée en décembre 2015 en Tunisie, Algérie, Maroc, Libye, Egypte auprès d'un panel représentatif d'un millier d'individus en âge de voter (plus de 18 ans). Résultats publiés par le magazine « Jeune Afrique ».