Mohsen Marzouk et Firas Guefrech, Conseiller du Président de la République, tout en se donnant en (mauvais) spectacle, se crêpent les chignons et se tournent en bourrique, sur les réseaux sociaux et les plateaux radio, rivalisant d'accusations, de coups tordus et d'invectives, au sujet de la santé de Beji Caid Essebsi (BCE), Chef d'Etat. Entre rumeurs colportées, procès d'intentions au vitriol et démentis non moins acides, le commun des tunisiens ne sait plus de quel côté en donner de la tête. Autant en rigoler, à défaut d'en pleurer. Une foire d'empoigne, aux relents plus personnels que partisans, un règlement de compte,qui ne dit pas son nom, sur le dos de ce bon vieux BCE et au mépris de l'exemple de droiture, de hauteur et d'objectivité que les deux hommes politiques sont censés donner, notamment dans un contexte national de chaos et dérapage. A plaindre les deux acteurs plus qu'à condamner ! A entendre la rumeur, fustigée par Firas Guefrech qu'il attribue bien volontiers à Mohsen Marzouk, dixit « Cet homme ingrat coupe, définitivement et à jamais, les liens avec celui qui l'a considéré comme son fils spirituel et l'a sorti de son monde parallèle vers le devant de la scène politique« , BCE serait sur le lit de mort, voire en agonie et les charognards politiques aiguisent leurs dents et se préparent à fondre sur Carthage pour arracher le morceau. Mohsen Marzouk est présenté, certes entre les lignes, comme le fossoyeur de service. En revanche, ce dernier, scandalisé par tant d'infamie, monte sur les planches de ce théâtre de l'opprobre, jouant son rôle de saint-ni-touche, dans cette pièce de mauvais goût, pour brailler, à qui veut bien l'entendre, que : « J'ai cru avoir rencontré, durant ma vie, le plus bas niveau des mensonges et des complots, sauf que j'ai découvert qu'il existe pire« . Le premier avance les idées noires et les velléités opportunistes de Mohsen Marzouk alors que celui-ci argue que cette attaque, outre qu'elle est infondée, témoigne de sa réussite car il dérange et fait des jaloux. Un échange haut en couleurs et surtout en insultes qui n'honore personne. Aucun n'en sort indemne. Les complices d'hier, devenus aujourd'hui ennemis jurés. Les deux larrons, en folie, s'étripent, vaille que vaille, sans vergogne ni mesure. Une guerre qui n'a pas lieu d'être ! BCE en aurait certainement perdu son dentier. La passe d'armes ne laisse d'aucuns indifférents, et ce sur au moins deux volets : D'abord, au-delà de la fiabilité de la rumeur et de l'identité supposée de son auteur, comment se fait-il qu'un Conseiller du Président de la République et un chef de parti, ex enfant spirituel de ce même président, soit un homme d'Etat et un homme politique, partent à la guerre, dans les réseaux sociaux, sur un sujet d'une telle gravité ? La santé physique et mentale du Chef d'Etat, de n'importe quel pays, est un sujet trop sensible pour en faire un fer de lance ou un objet de rivalité politique. L'un et l'autre, quels qu'en soient le motif inavoué et le contentieux personnel ou partisan, ont descendu trop bas, dans la boue, ajoutant une couche d'immondices sur une image de la classe politique tunisienne déjà aux caniveaux. On dégaine son fusil, croyant viser l'adversaire, mais on ne fait que tirer une balle dans le pied et dans le dos de toute la classe politique, ou ce qui en reste de sa crédibilité. Ensuite, le message de Firas Guefrech ne pointe pas de façon ouverte et directe Mohsen Marzouk, même si son texte est truffé d'allusions et de connotations dans ce sens. Ce sont d'autres acteurs politiques et médiatiques qui ont fait le rapprochement et estimé que les propos en question ciblent exclusivement Mohsen Marzouk. A se demander pourquoi, comment et pour quel mobile ? En outre, pourquoi ce dernier s'en est-il senti visé et réagi au quart de tour ? S'il n'en a rien à voir, quelle mouche l'a piqué pour aller au combat, nourrir un échange aussi hideux, ouvrir la porte de la suspicion sur sa responsabilité aux yeux des observateurs et donner des graines à moudre à ses détracteurs, son adversaire du jour en premier ?! Quel en est son intérêt ? A moins que, pour quelques obscures raisons, il attende déjà Firas Guefrech au tournant et, à la première occasion, il n'ait pas pu se retenir pour lui adresser son coup de poing à la figure. Autrement, aucun scénario ne tient la route. Enfin, entre le dit et le démenti où est la vérité ? Qui a raison ? Personne n'est en mesure de trancher. Accuser sans nommer n'est ni brave ni probe. C'est toujours facile d'épingler un inconnu. D'une autre côte, et dans la même occurrence, se justifier et monter sur ses grands chevaux pour bombarder tous ses griefs sans qu'on n'en soit nommément épingle, c'est curieux sinon suspect. Dans cette hypothèse, il y a anguille sous roche. Encore pire, Firas Guefrech serait-il le sous-marin de Hafedh Caid Essbsi, envoyé au charbon, dans sa guerre déclarée contre Mohsen Marzouk ? L'option n'est pas à écarter. Dans ce cas, la montée au créneau de ce dernier ne s'adresserait pas au conseiller mais bel et bien au fiston. En tout état de cause, la santé du Chef d'Etat, de n'importe quel pays, n'est pas la chasse gardée de son cabinet, il appartient à tous les tunisiens d'en connaitre les détails. C'est un impératif de transparence dont le Président de la République est redevable et comptable auprès non seulement de son électorat mais aussi et surtout auprès de tous les tunisiens, étant le président de tout le peuple et le garant de son unité. Un bulletin de santé établie, d'une manière régulière et claire, doit être communiqué à l'opinion publique. Le bilan de santé de relève pas de la vie privée quand on est président de la république. Les tunisiens sont en droit de réclamer un bulletin périodique et transparent, au lieu de tendre l'oreille vers le milieu médical ou le microcosme politique pour en savoir plus. C'est également ça la démocratie. Renseigner sur son état de santé s'inscrit également dans une double dimension : D'abord, le plan de communication présidentiel, et ensuite, le contrat électoral établi avec les électeurs et tous les tunisiens. Ce n'est pas parce que le tunisien n'a jamais pris connaissance, sauf par les rumeurs, de l'état de santé de son président (D'ailleurs, aucun Chef d'Etat tunisien n'a pris la peine de se soumettre à cette règle de conduite) pour continuer l'exercice d'opacité et de laisser le peuple aux bas-côtés de la question, otages des humeurs de Carthage. La question se pose plus que jamais notamment dans le contexte actuel tunisien où l'obscurité est transversale à tous les arcanes de la vie économique, politique et sociale. On croyait que l'ère où les rumeurs sont les sources d'informations est révolue. De toute évidence non ! Les milieux friands de rumeurs ont de beaux jours devant eux.