Les observateurs qui suivent, de près ou de loin, les débats et les discussions enflammées des députés sous le dôme du palais du Bardo, ne peuvent que parvenir à la même conclusion : Nos honorables députés souffrent, très certainement, d'une forme grave de schizophrénie. Car à les voir discutailler, et vociférer, aussi bien sur les bancs de l'hémicycle, que sur les plateaux TV qu'ils affectent particulièrement, on jurerait qu'ils sont prêts a en découdre avec ceux qui en ont avec le peuple, et qu'ils ne vont rien laisser passer, et qu'on allait voir ce qu'on allait voir, lors de leur vote sur tel ou tel sujet qui prête à équivoque. On acquière, ensuite, une quasi certitude qu'ils ne rigolaient pas, et qu'ils allaient tenir leur parole, donnée à tout le monde devant tout le monde, quand on les voit prendre ouvertement, devant les caméras qui retransmettent en direct les débats de l'ARP, des positions qui cadrent avec leurs précédentes déclarations. Ainsi certains n'hésitent pas à malmener des responsables de l'Etat qui avaient dans l'idée de léser leurs électeurs les « pauvres » citoyens qui attendaient d'eux qu'ils les défendent. D'autres gesticulent à qui mieux-mieux, et vocifèrent comme des diables pour montrer à quel point ils avaient à cœur d'assumer leur rôle de représentant du peuple. Au point que d'aucuns se hasardent, même, à zapper le reste des débats, sûrs qu'ils sont, des résultats du vote à venir. Or, paradoxalement, le vote, en définitive, ne colle jamais aux discussions et aux prises de bec qui l'avaient précédé. Ainsi, on n'arrête plus de voir des députés qui se lâchent contre telle ou telle personne à l‘ARP, en la traitant de tout ce qu'on veut, et en promettant de ne rien lui lâcher, et de ne rien autoriser, tant qu'ils sont là pour représenter le pouvoir suprême dans le pays. Et, finalement, quelques minutes plus tard, on voit les mêmes députés voter pour cette personne ou pour le projet qu'il portait. Et le contraire est aussi vrai, quand on voit des députés monter sur leurs grands chevaux pour féliciter quelqu'un pour son travail et pour plébisciter tout ce qu'il a entrepris, pour être, quelques minutes plus tard, surpris de les voir le contrer dans leur vote, ou lui refuser leur confiance. Et ce ne sont guère les exemples qui manquent pour ce comportement pour le moins, pathologique. Il n'y a qu'à se remémorer le plébiscite général dont a bénéficié Habib Essid, l'ancien chef du gouvernement, par la quasi-totalité des députés de l'ARP, juste avant qu'ils ne lui retirent leur confiance, de même que l'acharnement de ces mêmes députés contre Youssef Chahed, son successeur, et contre toute son équipe proposée, qui lui opposaient de graves griefs et qui dénigraient la plupart de ses ministres, avant de finir par lui voter leur confiance avec une aussi-unanimité. Ainsi que, plus récemment, le mécontentement général de la plupart des députés contre Sihem Ben Sedrine, la très controversée présidente de l'IVD, que quelques députés ont, carrément, sommée de démissionner, et n‘ont pas arrêté de critiquer sur tous les niveaux donnant, des preuves à l'appui de ses dépassements et de certaines malversations assez graves, pour finir par lui offrir un vote favorable avec une large et confortable majorité. Décidément, ils sont devenus schizophrènes nos députés. Ils disent la chose et son contraire, et ils prônent une valeur et votent contre elle, en même temps. C'est à n'y plus rien comprendre. Quoique, au fond, on pourrait bien leur trouver une excuse, pour ce comportement, à nos honorables députés, car çà ne doit pas être évidents pour eux de se retrouver coincés entre leur « devoir » vis-à-vis de leurs électeurs, qu'ils ne veulent absolument pas perdre, en prévision de futures échéances électorales, et leur « devoir » de discipline vis-à-vis des directives de leur hiérarchie qui fonctionne, généralement contre les intérêts des électeurs, sous la pression de vils calculs de politique de bas étages. Mais au final, qu'ils soient schizophrènes ou qu'ils soient adeptes du double langage et du double jeu, nos honorables députés doivent être assurés qu'ils vont finir par y laisser des plumes. Car leurs électeurs sont loin d'être dupes.