Plusieurs experts tunisiens, arabes et européens spécialisés dans le secteur de l'information ainsi que des juristes et des magistrats se sont réunis, vendredi, à Tunis, pour débattre des moyens de favoriser le passage d'une information gouvernementale à une information publique, examiner le projet du décret-loi portant création d'une Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) et échanger les expériences en matière de régulation des médias audiovisuels. Il s'agit là d'un workshop organisé à l'initiative de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication en collaboration avec l'Organisation «Article 19» et la BBC. A l'ouverture de cette rencontre, le Président de l'Instance nationale pour la réforme de l'information Kamel Laâbidi, a mis l'accent sur l'importance de ce workshop qui, a-t-il dit, offre une occasion privilégiée pour s'inspirer des expériences des instances de régulation des médias dans nombre de pays démocratiques et d'examiner les moyens de transformer les médias audiovisuels qui étaient au service d'un pouvoir prédateur en des établissements médiatiques totalement affranchis de la censure. La séance de la matinée a permis de présenter les cadres et les structures organisant les médias dans plusieurs pays du monde et de passer en revue l'expérience menée en Europe de l'Est dans ce domaine. M. Olaf Steenfdat, expert en matière de transition démocratique dans les pays de l'Europe de l'Est a indiqué que « la réforme du secteur de l'information en Tunisie doit être engagée aujourd'hui sans plus tarder », faisant remarquer que cette opération doit être régie par un cadre juridique ». Quant à Catherine Smadja de la BBC, elle a mis en garde contre les risques d'une mainmise de certaines parties sur les médias, citant, à ce propos, le récent scandale du magnat de la presse Rupert Murdoch en Angleterre. Elle a, dans ce contexte, estimé indispensable d'apporter toutes les garanties nécessaires à ce sujet, dont un cadre juridique adéquat, des mécanismes d'autorégulation au sein des comités de rédaction et un équilibre entre les médias publics et privés. Rachid Arhab, journaliste et membre du Conseil supérieur français de l'audiovisuel a, pour sa part, plaidé en faveur de l'établissement d'un équilibre entre les médias. Surpris par la rapidité du processus de réforme médiatique en Tunisie, il a estimé que le projet du décret-loi relatif à la création d'une Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle en Tunisie est un texte important pour le développement des médias en Tunisie. Pour Abdelaziz Nouidi, juriste marocain, la Tunisie doit tirer les leçons de l'échec de l'expérience de l'Instance de régulation des médias marocains qui, a-t-il regretté, n'était pas à la hauteur de la mission que lui a été assignée. Lors de la séance de l'après-midi, M. Mustapha Beltaief, membre de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, a passé en revue les différents articles de ce projet de décret-loi portant création d'une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Bien que ce projet de décret-loi ait été soumis, pour la première fois, aux professionnels du secteur, certains articles de ce texte ont suscité plusieurs critiques de la part des journalistes et des juristes présents. Les participants à ce workshop ont été unanimes à consacrer plus d'une rencontre pour examiner ce projet. M. Ridha Najjar a appelé à élargir le champ de la régulation à la presse électronique ainsi qu'à plusieurs autres activités liées à la communication. Cette proposition a été appuyée par une participante égyptienne, alors que pour M. Abdelkarim Hizaoui, directeur du Centre africain pour le perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC), il est impossible de donner corps à cette proposition. L'avocate Moufida Belghith a, en revanche, critiqué le mode de désignation des membres cette autorité, appelant à opter pour l'élection du tiers de ces membres au moins, alors que la juge Kalthoum Kannou a estimé que l'article 7 du projet de décret-loi précité n'a pas déterminé, explicitement, l'autorité habilitée à proposer des représentants issus du corps de la magistrature dans la composition de cette Instance.