Dans un nouvel épisode de l'escalade commerciale sino-américaine, la Chine a ordonné à ses compagnies aériennes de cesser toute réception de nouvelles livraisons d'avions Boeing et de suspendre l'achat de pièces détachées américaines. Cette décision, révélée par Bloomberg, constitue une réponse directe aux droits de douane imposés par l'administration Trump sur les importations chinoises, et ravive les inquiétudes dans l'ensemble du secteur aéronautique mondial. Une décision lourde de conséquences Le constructeur américain Boeing, pilier de l'économie des Etats-Unis, risque gros : la société génère environ 79 milliards de dollars par an et soutient près de 1,6 million d'emplois directs et indirects. L'entreprise, qui assemble l'ensemble de ses avions aux Etats-Unis, exporte près de deux tiers de sa production, ce qui la rend extrêmement vulnérable aux tensions commerciales. La Chine représente son plus gros marché étranger, avec plus de 4200 appareils Boeing en service et une projection de 8830 nouveaux avions commandés d'ici 2043. La suspension des livraisons concerne 179 appareils prévus jusqu'en 2027, un volume qui pourrait être redirigé vers d'autres marchés ou, à défaut, entraîner des reports massifs. Des pertes stratégiques pour Boeing... et des défis pour la Chine À court terme, les actions de Boeing ont reculé de 3% supplémentaires, s'ajoutant à une baisse de 7% depuis le début de l'année, alimentée par les tensions douanières. Le directeur financier de l'entreprise, Brian West, a averti que ces restrictions pourraient perturber la chaîne logistique, déjà éprouvée, et retarder certaines livraisons. Mais la Chine n'en sort pas indemne. Si elle cherche à se passer de Boeing, son dépendance aux pièces détachées américaines reste critique. Avec des stocks disponibles pour 3 à 6 mois, les coûts de maintenance pourraient grimper de 40 à 60%, et des scénarios similaires à celui de la Russie en 2022 — où 60% des avions étrangers ont été cloués au sol — sont désormais redoutés. La production du Comac C919, avion civil chinois censé concurrencer Airbus et Boeing, repose toujours sur des composants américains, notamment les moteurs et les systèmes électroniques. Pékin vise 50 unités produites annuellement en 2025, un objectif qui pourrait être compromis sans alternatives technologiques fiables. Airbus et l'Inde en embuscade Cette crise offre une fenêtre d'opportunité pour les concurrents de Boeing. Airbus, déjà solidement implantée en Chine avec un centre d'assemblage à Tianjin et plus de 800 avions livrés depuis 2008, pourrait consolider sa domination sur le marché. La firme européenne détient actuellement 50% de part de marché en Chine, et son vice-président exécutif, George Xu, considère l'Empire du Milieu comme le premier marché mondial d'Airbus. En parallèle, des compagnies indiennes comme Air India Express ou Akasa Air pourraient bénéficier du réacheminement des appareils 737 MAX ou 787 Dreamliner initialement destinés à la Chine. L'Inde, confrontée à des retards d'approvisionnement, pourrait ainsi accélérer son développement aérien avec des livraisons anticipées. Une guerre commerciale aux airs de conflit stratégique Au-delà des considérations économiques, la guerre commerciale entre Washington et Pékin prend une tournure stratégique. Le président Donald Trump a récemment porté les surtaxes sur les produits chinois à 145%, poussant la Chine à riposter avec des droits de douane à 125% sur les importations américaines. L'aviation devient ainsi un champ de bataille symbolique, illustrant les tensions systémiques entre les deux puissances. Mais cette confrontation pourrait se transformer en impasse coûteuse : Boeing risque de perdre durablement l'accès à un marché qui pèse pour 20% de ses ventes futures, tandis que la Chine doit jongler entre dépendance technologique et ambitions industrielles. Ainsi, la rupture entre Boeing et la Chine, sous fond de guerre commerciale, redessine les équilibres de l'aviation mondiale. Entre pertes économiques pour les Américains, risques de paralysie pour le ciel chinois et gains potentiels pour Airbus et l'Inde, cette crise illustre la fragilité d'un secteur hautement globalisé. Reste à savoir si cette escalade ouvrira la voie à une réorganisation du marché, ou si les coûts croissants de l'isolement pousseront les deux géants à revoir leur stratégie. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!