TUNIS, 3 mai 2011 (TAP) - Le rôle des nouvelles formes d'expression et de participation dans la révolution tunisienne, l'apport des nouvelles tendances du journalisme et leurs limites étaient au centre de la 1ère séance de la conférence "les médias du XXIe siècle au service de la démocratie", organisée, mardi à Tunis, à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse. La profusion de blogueurs et de cyber-militants a donné naissance à un genre nouveau et effectif d'information et de communication qui transcende les frontières et échappe à tout contrôle répressif. Pour Philippe Quéau, représentant de l'UNESCO pour le Maghreb et modérateur de la session, l'émergence du journalisme citoyen impose un souci de crédibilité, de vérification, de mise en contexte et d'analyse de l'information, seuls éléments qui peuvent marquer la limite nouvellement controversée entre journalisme professionnel et journalisme citoyen. Aussi, le développement de nouvelles formes de censure, non plus dictatoriales, mais ouvrant la voie à "une guerre" menée sur le front médiatique public que sont les réseaux sociaux et l'Internet, nous place-t-il directement dans une perspective de redevabilité et de bonne gouvernance. Ces nouvelles technologies, en dépit de leur rôle dans les récentes révolutions, renferment des pièges de manipulation, de désinformation et de propagande qui menacent le processus démocratique en marche, a-t-il prévenu. "Le Web est devenu aujourd'hui un espace de socialisation politique d'une partie de la jeunesse tunisienne", a pour sa part fait noter Larbi Chouikha, professeur à l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information et membre de l'instance nationale indépendante pour le secteur de l'information et de la communication. Le mérite revient à cette jeunesse qu'on a longtemps prétendu apolitique, a indiqué M. Chouikha, appelant dans ce sens à "revoir les paradigmes dominants". L'Internet et les réseaux sociaux ont pris le relais et ouvert la voie à la contestation et à de nouvelles formes de mobilisation et d'action relayées dans la vie réelle, a-t-il expliqué, soulignant le rôle des nouvelles formes de communication dans la Tunisie d'aujourd'hui. "Facebook est devenu un acteur important sinon incontournable de la vie politique en Tunisie (...) et se dresse en véritable révélateur des vérités encore cachées", a affirmé M. Chouikha. Facebook ne constitue pas une menace, a-t-il estimé. "il faut faire avec" à travers un travail pédagogique approfondi, pour informer que les sources des réseaux sociaux ne sont pas toujours fiables et vérifiées et qu'une attitude critique par rapport à leur utilisation s'impose. "Les réseaux sociaux n'ont jamais été les déclencheurs des révolutions mais ils ont accompagné les processus enclenchés pour des raisons économiques, sociales et politiques", a-t-il tenu à nuancer. Abdelaziz Labib, universitaire, philosophe et directeur de la radio nationale, a mis l'accent sur l'ambiguïté suscitée par les nouveaux médias face à la presse dite traditionnelle. "Les réseaux sociaux ont brisé les modes anciens et le paysage figé de l'information et de la communication", a-t-il soutenu, prévenant, cependant, qu'il faut "distinguer l'un et l'autre, non pas les séparer et surtout pas les opposer". Ces espaces, a-t-il affirmé, permettent l'exercice d'une citoyenneté active et interactive à travers les forums virtuels et les agoras instantanées. "Le réseau social est plus apte à réaliser la citoyenneté que les médias traditionnels qui ne permettent qu'une citoyenneté passive. Ils favorisent également, a indiqué M. Labib, la renaissance de l'individualité contre le communautarisme ancien. Les limites de cette "démocratie directe" demeurent la négativité des tendances générale sur le Net, a-t-il regretté. "Facebook détruit beaucoup plus qu'il ne construit. Il faut être positif et constructif pour aller de l'avant vers une démocratie représentative". Pour Amel Chahed, journaliste et productrice à la télévision publique tunisienne, Facebook et twitter ont joué un "rôle principal et positif" dans la révolution tunisienne, celui de la recherche et la diffusion de la vérité de la manière la plus directe, la plus rapide et la plus brute. Les facteurs qui distinguent ces nouveaux médias sont l'immédiateté et la rapidité, sans retouches d'image, sans cadrage et sans souci de respecter les normes journalistiques traditionnelles. "Ce qui importe, c'est d'informer, de tout montrer, et vite" L'émergence de la nouvelle notion de citoyen-journaliste a démocratisé l'information qui n'est plus le monopole des médias classiques, a-t-elle indiqué, soulignant que ces derniers, secoués, doivent évoluer, sortir de l'immobilisme et du mutisme sans pour autant tomber dans « le mimétisme aveugle". Rapidité, proximité et respect des normes professionnelles et de la déontologie sont la seule issue pour la subsistance de médias tunisiens indépendants et surtout responsables. La conférence, organisée conjointement par l'UNESCO, le SNJT, le bureau des nations unies à Tunis et la commission nationale tunisienne pour l'éducation la science et la culture, se poursuit toute la journée avec notamment deux séances ponctuées de débats ainsi que le lancement du rapport annuel du SNJT.