Reformulé chaque année, le vaccin contre la grippe saisonnière doit s'adapter aux deux souches (Influenza A et B) du virus pour protéger efficacement la population. Pour contourner cette difficulté, les scientifiques essayent depuis des années de créer un vaccin universel qui protégerait contre toutes les souches. Après les lymphocytes T cytotoxiques et des anticorps contre l'hémagglutinine, ce sont des anticorps anti-neuraminidase qui font l'objet de recherche. Publiée dans la revue Science en octobre dernier, la proposition des scientifiques américains de The Scripps Research Institute (le même institut qui avait proposé les anticorps anti-hémagglutinine) pour un vaccin antigrippal universel tourne autour d'anticorps spécifiques d'une enzyme appelée la neuraminidase. Essentielle au virus pour sortir de la cellule infectée après son cycle de réplication, elle rompt la liaison entre l'hémagglutinine (virale) et l'acide sialique (dans les muqueuses). D'un point de vue structurel, elle est composée d'un site catalytique identique chez toutes les souches et d'une partie variable qui mute facilement. La partie variable est propre à chaque souche. Par exemple, la souche aviaire H5N1 n'aurait pas la même neuraminidase que la souche H5N6. Ces anticorps monoclonaux miraculeux se trouvaient dans le sang d'un patient infecté par la souche H3N2 dans un hôpital de Saint-Louis aux États-Unis. Ils ont été testés sur une grande variété de neuraminidases différentes, résultat l'un des anticorps testés a reconnu toutes les neuraminidases, qu'elles proviennent d'une souche grippale humaine ou animale. Pour comprendre où et comment l'anticorps s'accroche à sa cible, ils ont étudié la structure de cette interaction. L'anticorps possède une boucle qui se glisse dans le site catalytique de la neuraminidase, comme une clé dans une serrure, sans que les parties variables n'interviennent dans la structure de cette liaison. Par sa présence, l'anticorps enferme le virion dans la cellule. Les anticorps ont été testés in vivo sur des souris infectées avec une dose létale de virus. Soixante-douze heures après l'infection, elles ont reçu leur dose d'anticorps. Parmi ceux inoculés, un seul anticorps, baptisé « 1G01 » a protégé les souris contre l'ensemble des douze souches grippales testées. Malgré les symptômes, elles ont survécu. La route est encore longue pour que cette recherche aboutisse à un vaccin universel administrable et efficace chez l'Homme, car notre système immunitaire reste différent de celui d'une souris de laboratoire.