La présidence de la République a prévenu, par la voie et la voix de son porte-parole, Adnene Mansar (qui se prononçait sur la chaine télévisée Al Moutawasset, mercredi 28 août 2013), que le président provisoire, Moncef Marzouki, « ne cèdera son poste qu'à un président élu par le peuple tunisien, sur la base des lois de la prochaine constitution ». Sur le plan théorique, le principe s'explique et peut même trouver des partisans, car il laisse comprendre que le président provisoire se replace dans la logique de la légitimité démocratique fondée sur la souveraineté populaire. Certains virtuoses de la satire et de la parodie y verraient un retour farcesque au statut de défenseur des droits de l'homme (apparemment pas assez assumé par le passé) pour se mobiliser en faveur de la défense des droits des présidents contestés. La déclaration de la présidence, qu'on peut toujours attribuer, au besoin, à l'opinion personnelle du porte-parole, prend une dimension curieuse quand elle est appuyée de l'explication suivante : « Moncef Marzouki ne laissera son poste à aucune personnalité dont le choix résulte d'un potentiel ou éventuel accord entre les leaders de partis politiques ». Là, on n'irait pas jusqu'à demander si Moncef Marzouki est « élu par le peuple tunisien », lui qui avait troqué ses 7000 voix contre un compromis auquel certains citoyens imputent une bonne partie des conditions de la crise actuelle dans le pays. Mais force est de souligner ici la logique du « seul contre tous » et de dissidence annoncée à tout consensus national. Autrement dit, la présidence semble se préparer aux prémisses (aux sens logique et pratique) d'un scénario à l'égyptienne et d'y répondre ainsi : « Vous voulez faire de moi un nouveau Morsi sans les soldats de Dieu ? Détrompez-vous parce que j'ai fait ce qu'il faut pour éviter l'intervention de l'armée dans ce cas de figure (comme si l'armée avait jamais eu en Tunisie une telle intention !) ». Néanmoins la question qui reste posée est la suivante : que ferait la présidence provisoire en cas de consensus politique et de mobilisation populaire largement majoritaires pour la contestation du président provisoire ? Se constituer en Etat provisoire contestataire de la contestation, face à un Etat contestataire de l'état provisoire jugé non concluant ? Pousser de nouveau dans la violence séparatiste qui amènera les Tunisiens à s'entre-tuer les uns les autres ? Franchement, il faudrait une créativité exceptionnelle en matière de fiction politique pour s'ingénier à trouver la réplique idoine et réussir l'issue souhaitée, ou au moins l'issue convenable. Nous pensons que, dans l'état actuel des choses, la présidence devrait se faire une vraie place dans le débat national et négocier, dans le consensus le plus large, la meilleure manière de sortir la Tunisie de l'impasse. Car, « tout le reste est littérature » !