Le poète égyptien Ahmad Fouad Najm a quitté ses «fans» à l'âge de 84 ans dont 18 ans passés derrière les barreaux pour ses positions politiques critiques à l'ordre politique établi. Il ne se réclame d'aucun temple ni d'aucun minaret et ne reconnaît aucune frontière à l'acte poétique. Ami de Pablo Neruda et de Che Guevara, Ahmad Fouad Najm a écrit une poésie qui est lue par les profanes et les moins profanes. C'est-à-dire une poésie qui appartient aux étudiants, aux intellectuels, aux travailleurs et aux paysans. Sa démarche d'écriture est caractérisée par une triple subversion. Une subversion au sens politique, une subversion au sens idéologique et une subversion au sens poétique et formel. Les thèmes, les personnages, les mots et leur agencement font de cette poésie une démarche de création libérée des canons de l'ordre poétique dominant. Parmi ces poèmes célèbres dans le milieu estudiantin et intellectuel, on peut rappeler : Elèves tes palais. « Tu peux élever tes palais sur nos champs avec notre labeur et le travail de nos mains, tu peux installer tes tripots près des usines et des prisons à la place des jardins, tu peux lâcher tes chiens dans les rues et refermer sur nous tes prisons, tu peux nous voler notre sommeil nous avons dormi trop longtemps, tu peux nous accabler de douleurs nous avons été au bout de la souffrance. A présent nous savons qui cause nos blessures, nous nous sommes reconnus et nous sommes rassemblés, ouvriers, paysans et étudiants ; notre heure a sonné et nous nous sommes engagés sur un chemin sans retour. La victoire est à la portée de nos mains, la victoire point à l'horizon de nos yeux. » Une poésie simple dédiée aux classes sociales qui négocient leur dignité dans le combat pour une meilleure condition humaine. Une poésie limpide qui célèbre l'épopée des classes populaires et qui est lue dans les places publiques, les prisons et les amphithéâtres. Une poésie forgée à partir de l'expérience des forces vives dans la société, des errements de l'élite et des difficultés du temps historique des sociétés arabes. Chacun gardera à l'esprit l'image d'Ahmad Fouad Najm lisant ses poèmes devant d'immenses auditoires d'ouvriers, d'étudiants et d'intellectuels. Chacun continuera à lire les poèmes d'Ahmad Fouad Najm pour interroger l'articulation de l'acte créateur chez le poète avec l'histoire politique et ses soubresauts et les perspectives de transformation révolutionnaire de la société sur la base des valeurs de liberté, de démocratie et de justice. Et pour mesurer les portées de l'engagement du dire poétique.