Parmi les choix de développement fortement promus par ce nouveau discours, l'implantation, au sein des pays concernés de pôles de développement' structurés autour de ce qu'on appelait à l'époque les industries industrialisantes', était fortement recommandée. La dissémination de ces pôles de développement à travers le territoire national était censée garantir la croissance et la prospérité pour tous, via des effets d'entraînement ou de boules de neige en chaîne englobant l'ensemble des activités économiques et l'ensemble des régions, y compris les zones rurales plus défavorisées de la nation. Installation d'une usine de pâte d'alfa à Kasserine. Création d'un complexe phosphato-chimique à Gabès. Mise en place à Béja d'une usine de production de sucre à partir de la betterave. Etablissement d'une fabrique de pièces de rechange pour les véhicules automobiles à Sousse. Développement du tourisme le long du littoral tunisien. Cette stratégie industrielle décentralisée était censée, à partir des industries industrialisantes implantées, dynamiser l'économie des territoires où elles étaient établies, et impulser ainsi un développement rural intégré effectif. Un échec à méditer Le bilan économique, financier, social et même environnemental de cette expérience des pôles de développement et des industries industrialisantes a été maintes fois dressé et figure dans de nombreux écrits. Nous n'y reviendrons pas ici. Toutefois, et c'est cela qui nous importe dans ce papier, cette expérience, sans en méconnaître les apports en termes de création d'une base industrielle tunisienne moderne et diversifiée, n'a pas impulsé un développement général, réparti à travers les divers territoires du pays. Les enseignements à tirer de ce modèle sont nombreux, et surtout utiles pour l'avenir. Les échecs imputés aux pôles de développement et aux industries industrialisantes des années 1960 sont ceux-là mêmes qui risquent d'affecter l'expérience plus récente des pôles technologiques. Sans intégration effective, active et participative, c'est-à- dire démocratique, de ces pôles dans le tissu économique, social, culturel et écologique du milieu où ils sont implantés, l'échec est inéluctable. Tous les effets d'entraînement, toutes les formes d'économies externes positives attendus et promis resteront lettre morte. Ils ne dépasseront guère le stade d'anticipations et de simulations, que des modèles économétriques, de plus en plus intelligents, essaieront, en vain, de rendre crédibles. A suivre: Le développement régional en Tunisie, de Bourguiba à Ben Ali: Le développement régional à l'ère du Changement du 7 Novembre 1987