Dans la foulée d'une étude de la Banque Mondiale sur la performance logistique des principales filières exportatrices, le cabinet MKC Consulting s'est intéressé au système de planification dans les entreprises industrielles tunisiennes. L'étude s'est appuyée sur un questionnaire d'évaluation de l'état de l'art du système de prévision de la demande et de planification multi-niveaux (depuis la distribution jusqu'à l'approvisionnement, en passant par la production), adressé aux «Best in Class» opérant dans différents secteurs industriels : agroalimentaire, pharmaceutique, industrie chimique et composants automobiles. A travers une approche pragmatique, MKC a cherché à recenser la fréquence et la gravité des incidents «logistiques», dus à des écarts entre ce qui est prévu et ce qui réalisé, et identifier les pratiques et outils technologiques utilisés par les opérateurs tunisiens, ainsi que leur niveau de compétence en planification stratégique (PIC, plan publi-promotionnel, stocks stratégiques, ) et sa mise en équation en termes de planification de la Supply Chain (PDP, gestion des stocks et des approvisionnements,etc.). Dans cette logique, il est intéressant d'appréhender le concept de Supply Chain comme étant «l'ensemble des flux physiques et d'informations permettant à une chaîne de valeurs de répondre à un besoin en produits et/ou services, au bon moment (défi du temps), au bon endroit (défi de l'espace), dans les meilleures conditions possibles, là ou une demande existe (défi de la complexité et du changement)». Rappelons que d'après le modèle SCOR (Supply Chain Operations Reference model) voir figure1- le processus de planification (PLAN) est un maillon essentiel dans la chaîne logistique. Il permet de relier et d'orienter l'ensemble des processus depuis l'approvisionnement (SOURCE), la production (MAKE) jusqu'à la distribution (DELIVER). Plus il est intégré le long de la chaîne logistique, en favorisant le partage de l'information et les pratiques collaboratives, et meilleure est la visibilité et la capacité d'anticipation de l'ensemble de la filière.
-figure 1- Dans bon nombre d'entreprises tunisiennes, force est de constater qu'il n'y a pas de liens formels entre la stratégie d'affaires (Business Strategie) et la stratégie logistique (Supply Chain Strategy) voir figure2. Les systèmes de planification multi-niveaux sont relativement rudimentaires, pour ne pas dire inopérants du fait de la complexité croissante et des mutations rapides que connaissent les marchés. Ce qui dénote d'un dysfonctionnement dont les conséquences sont très lourdes pour les entreprises tunisiennes. Les systèmes d'information sont à ce titre soit inadaptés, ou mal exploités. Autant les entreprises tunisiennes ont su investir dans des tableaux de bord qui recouvre les facteurs endogènes, autant elles passent sous silence ou traitent mal les facteurs exogènes. Tout se passe comme si les entreprises appréhendaient de prévoir l'avenir par peur de se tromper ? Ceci relève surtout d'un phénomène culturel et d'un mauvais rapport avec le temps.
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Mais prévoir, c'est aussi se tromper. Tout l'art de la planification repose sur la marge d'erreur, autrement dit la gestion des écarts plus on les réduit, et plus on augmente la capacité d'anticipation de l'entreprise et par la même, on renforce son avantage concurrentiel ! L'étude s'est aussi intéressée aux pratiques collaboratives interentreprises. Tout au long de la chaîne logistique, un ensemble de participants (entreprise-client-fournisseur, mais aussi administration, banque, douane, etc.) mettent en uvre des ressources pour gérer des flux physiques, mais également des flux d'informations pour assurer la continuité, la fluidité et la traçabilité des flux voir figure3.
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Le maillon faible joue dans ce cas le rôle de «goulot d'étranglement» et affecte la performance globale de l'ensemble de la filière. Les défis que doivent relever les acteurs d'une même chaîne logistique peuvent se résumer ainsi : Il ne s'agit plus de faire des entreprises individuellement performantes, il faut aussi que l'ensemble des acteurs, depuis le fournisseur du fournisseur, jusqu'au client du client, y compris les prestataires de services, les banques, les assurances, les administrations, concourent tous et simultanément à une meilleure efficacité globale. Autrement dit, la compétitivité globale à travers un échange d'informations et une planification partagée le long de la chaîne logistique.