Les 3.000 Tunisiens qui vivent actuellement en Syrie, les intérêts supérieurs de la Tunisie, une attitude équilibrée sur la scène internationale, le devoir de coordination avec les pays de l'UMA... Tout cela a été mis en danger par l'extrémisme soudain de la diplomate tunisienne. Car la décision d'expulsion de l'ambassadeur syrien à Tunis et d'abrogation de toute reconnaissance du régime de Damas, telle qu'annoncée par le porte-parole de la présidence de la République, ne rend justice à personne, y compris aux centaines de martyrs et de blessés victimes des derniers bombardements de la ville de Homs. Pourquoi? Tout simplement parce que la diplomatie tunisienne a ainsi joué sa dernière carte et s'est interdit toute marge de manuvre! Quels sont maintenant nos moyens de pression et nos options contre les massacres perpétrés depuis plus de 9 mois par Damas contre les civils? Pourquoi ne pas avoir fait comme Bourguiba qui, au maximum, a MENACE d'expulser un ambassadeur (celui des USA en 1985)? Il faut, disait Charles-Maurice de Talleyrand en parlant d'un ministre des Affaires étrangères, qu'il soit doué d'une sorte d'instinct qui, l'avertissant promptement, l'empêche avant toute discussion de jamais se compromettre. Il lui faut la faculté de se montrer ouvert en restant impénétrable... Où est cette intelligence diplomatique qui nous aurait permis de peser réellement sur les faits? A-t-on pris la peine de demander conseil aux spécialistes de la Syrie parmi les diplomates et les universitaires? Où est notre effort de coordination avec les autres pays maghrébins pour des positions communes ayant nécessairement plus de poids? Et puis, cette exclusion de l'ambassadeur syrien va-t-elle réellement influencer un régime syrien aux abois, retranché derrière sa dernière ligne de défense? Comment réagira-t-il contre l'appel de la présidence tunisienne à l'éviction du régime de Bachar Al-Assad? Il n'est pas du tout hors de propos de se demander si les premiers qui vont payer la facture ne seraient pas nos compatriotes qui travaillent, étudient et vivent en Syrie! Le plus dangereux c'est que les nouveaux pouvoirs multiplient les bourdes et s'engagent sur une pente de plus en plus abrupte... et si tout le monde comprend qu'ils sont des débutants en matière de politique d'Etat, personne ne veut qu'ils en viennent à jouer aux apprentis-sorciers, qui essaient chaque fois un nouveau sort pour voir ce que cela donne, et mettre la Tunisie en porte-à-faux au sein de la communauté internationale. Car là, c'est carrément jouer de nonchalance avec les intérêts de la Tunisie.