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Une rupture controversée
Expulsion de l'ambassadeur syrien
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 02 - 2012

La Presse — La controverse enfle. La décision présidentielle et gouvernementale d'expulsion de l'ambassadeur syrien à Tunis n'est point orpheline. Elle est corollaire de l'abrogation de toute reconnaissance du régime en place à Damas. Le chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali, a surenchéri hier à Munich en appelant tous les pays à expulser les ambassadeurs de Syrie.
Depuis son annonce, elle fait débat. Fait couler beaucoup d'encre et de salive. Pourquoi nous ? Pourquoi ici et maintenant ? Quelles en sont les motivations réelles ou cachées ?
Les analyses, conjectures et supputations vont bon train. En tout état de cause, cela ne laisse guère indifférent. Tant le citoyen lambda que les intellectuels et la classe politique dans son ensemble réagissent.
Loin des partis pris et des manichéismes primaires, quelques observations s'imposent.
En premier lieu, la décision déconcerte par sa signification. Elle tranche net avec les constantes de la diplomatie tunisienne. Une diplomatie plutôt réservée, médiane, modérée et constructive, soucieuse de tisser des liens plutôt que de consommer des ruptures. De tout temps, la Tunisie a adopté une attitude mesurée et prudente. Et cela n'entache en rien son fidèle attachement aux principes.
En second lieu, la décision déconcerte par son timing. A la veille de l'examen du dossier syrien par le Conseil de sécurité de l'Onu. Et corollairement aux informations faisant état d'un carnage qui aurait été perpétré par les autorités syriennes à Homs. Un carnage controversé tant par les protagonistes, qui s'en accusent mutuellement, que par le nombre des victimes supposées ou réelles. En même temps, le Qatar, pays aux avant-postes de la coalition anti-syrienne, a particulièrement sorti ses griffes ce week-end. Objectif, forcer la communauté internationale à condamner énergiquement le régime baâthiste de Syrie. Plusieurs médias et chaînes satellitaires inféodés au Qatar, dont Al-Jazeera, ont été mis à profit. Côté Etats, seule la Tunisie a campé une attitude aussi tranchée, explicite et directe. Les Etats-Unis d'Amérique et le Qatar lui-même n'ont pas agi de la sorte. De leur côté, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant la répression en Syrie. L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Susan Rice, s'est déclarée «dégoûtée» par ce double veto. L'ambassadeur syrien à l'Onu lui a rétorqué que les USA ont opposé soixante fois leur veto à des résolutions condamnant les tueries israéliennes.
En fait, tout se passe comme si la décision tunisienne aurait été soufflée, voire imposée de l'extérieur. Ce qui équivaudrait à hypothéquer la souveraineté nationale et ses attributs diplomatiques.
La décision déconcerte par ailleurs par sa brutalité. Le propre des démarches diplomatiques est de procéder par étapes. Il y a, d'abord, l'exaspération manifeste, puis une déclaration molle de quelque source autorisée, généralement anonyme, puis une condamnation explicite via une déclaration, puis un appel aux ressortissants nationaux à quitter le pays concerné, puis la signification solennelle à l'ambassadeur du pays incriminé d'une position ferme, puis l'abaissement du niveau de représentativité diplomatique, puis le rappel de l'ambassadeur national dans ledit pays, puis le gel temporaire des relations avant la consommation de la rupture. Cela peut prendre quelque temps. Mais, dans tous les cas de figure, ne point succéder à des informations brumeuses sur quelque fait politique ou militaire jugé grave.
Et puis le parallélisme des formes voudrait que la Tunisie rompe aussi prestement ses relations avec l'Arabie Saoudite, qui abrite impunément l'ex-président Ben Ali, condamné pour haute trahison, crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Tunisie. Il est en effet surprenant de rompre les relations avec la Syrie en signe de soutien à la révolution syrienne et de ne point le faire avec l'Arabie Saoudite en signe de soutien à la révolution tunisienne.
Idem des régimes de Bahreïn, du Koweït, d'Egypte et du Soudan le cas échéant. Tous ces pays connaissent des troubles intérieurs sauvagement réprimés par les forces de sécurité.
Le raisonnement par analogie ou par l'absurde peut nous mener loin. Dans tous les cas de figure, il atteste de l'inconsistance voire de la légèreté manifeste de la décision portant expulsion de l'ambassadeur syrien.
Le débat ne semble pas près de s'épuiser de sitôt. Aux dernières nouvelles, l'opposition a décidé de saisir le gouvernement à ce propos à l'Assemblée constituante. Affaire à suivre.
Les partis politiques s'expriment
Comment les partis politiques tunisiens ont-ils réagi à la décision du président Moncef Marzouki de rompre les relations diplomatiques avec la Syrie, d'expulser l'ambassadeur syrien à Tunis et d'abroger toute reconnaissance du régime en place à Damas ? Considèrent-ils que cette décision est précipitée et pensent-ils que le gouvernement a pris les mesures requises en de telles situations en vue de préserver les intérêts des Tunisiens résidant en Syrie, plus particulièrement les étudiants qui y poursuivent leurs études supérieures?
La Presse a sondé les réactions de quelques responsables des partis politiques présents sur la scène nationale et représentant la majorité des orientations et tendances marquant le paysage politique post-révolutionnaire. Réactions.
Mohamed Hamdi (chef du groupe parlementaire d'Al Aridha Achchaâbia à la Constituante) : «Non aux positions précipitées et extrémistes»
C'est une position qui nous fait de la peine dans la mesure où elle n'a pas respecté les traditions diplomatiques et la règle de la gradualité.
Il fallait, à notre avis, convoquer, rappeler l'ambassadeur tunisien à Damas pour consultation, en signe de protestation contre ce qui se passe en Syrie et convoquer l'ambassadeur syrien à Tunis pour lui signifier la position de notre pays appelant le régime syrien à plus de retenue et à réviser sa politique répressive contre le peuple syrien et à écouter ses revendications.
Malheureusement, la position tunisienne a obéi à une logique de précipitation inexplicable et d'extrémisme inadmissible.
Nous éprouvons de la honte que la Tunisie soit le premier pays dans le monde à prendre une telle position, surtout après le veto russe et chinois que l'initiative arabe a essuyé au Conseil de sécurité de l'ONU.
Cette position ne peut être saisie par l'opinion tunisienne ou internationale que comme un alignement aveugle sur les positions du Qatar.
Nous nous demandons : est-ce que le Dr Marzouki a pris en considération les intérêts des Tunisiens établis en Syrie, notamment les étudiants, qui sont aujourd'hui menacés d'expulsion et de comportements extrémistes de la part des sbires du régime de Bachar incapables de faire la part des choses.
Walid Bennani (Mouvement Ennahdha) : «Une décision courageuse digne de la révolution de la liberté et de la dignité»
Je considère que face à la barbarie aveugle dont souffre le peuple syrien et face à la violence et à la répression que les Syriens subissent quotidiennement, cette décision est à considérer comme une décision courageuse et digne de la révolution du 14 janvier 2011 qui a ouvert la voie aux peuples arabes pour qu'ils arrachent leurs droits à la liberté, à la dignité, à la démocratie et au libre choix de leur avenir.
C'est une décision liée aux conditions dans lesquelles vit le peuple syrien, surtout à la suite du massacre qui a fait 337 morts et plus de 1.300 blessés, à la veille de la fête du Mouled, une fête religieuse vénérée par l'ensemble des musulmans et dont la symbolique n'échappe à personne.
Quant aux répercussions de cette décision sur nos concitoyens établis en Syrie, je pense que les relations tuniso-syriennes obéissent aux règles du droit international et je ne vois pas pourquoi les autorités syriennes seraient-elles amenées à maltraiter les Tunisiens qui vivent sur le sol syrien. Je demande au ministre des Affaires étrangères de tout faire afin que nos concitoyens n'encourent aucun danger.
D'autre part, je suis convaincu que cette décision est le fruit de la concertation entre la présidence de la République et le gouvernement et rejoint la démarche suivie par les ministres arabes des Affaires étrangères qui ont appelé, lors de leur dernière réunion, à une position courageuse et audacieuse de soutien effectif au peuple syrien.
Quant aux partis politiques tunisiens, ils doivent prendre en considération le drame du peuple syrien et faire en sorte que leurs réactions soient à la hauteur de ses revendications légitimes à la liberté et à la dignité.
Abdelwaheb El Hani (président du parti Al Majd) : «Les forces politiques nationales devaient avoir leur mot à dire»
Nous soutenons le peuple syrien dans son combat pour la démocratie et les libertés, mais la décision hâtive du président de la République de rompre les relations diplomatiques avec Damas et d'expulser l'ambassadeur syrien à Tunis ne constitue pas la réponse opportune.
Il fallait respecter les traditions diplomatiques d'usage et opter pour le principe de la gradualité. Ainsi, devait-on rappeler l'ambassadeur tunisien en Syrie pour consultation comme un premier acte de protestation et pour mieux comprendre la situation sur place.
Il fallait, d'autre part, convoquer l'ambassadeur syrien à Tunis au ministère des Affaires étrangères pour lui signifier le refus par la Tunisie de la politique de répression inacceptable suivie jusqu'ici par le gouvernement de Damas.
Enfin, le gouvernement avait le devoir de prendre les mesures nécessaires en vue de rapatrier nos concitoyens vivant sur le sol syrien, plus particulièrement les étudiants.
Sur le plan multilatéral, la Tunisie aurait dû convoquer une réunion d'urgence du Conseil de la Ligue arabe et une session spéciale du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
J'estime également que le gouvernement devait consulter les forces politiques tunisiennes et prendre l'avis de l'Assemblée nationale constituante avant d'engager le pays dans cette aventure.
Issam Chebbi (Parti démocrate progressiste) : «Une décision qui ne sert pas les intérêts de la Tunisie»
Je pense que la décision du Dr Marzouki d'expulser l'ambassadeur syrien et d'abroger la reconnaissance par la Tunisie du régime actuel établi à Damas est une décision le moins qu'on puisse dire hâtive et contraire à la philosophie de l'action diplomatique que la Tunisie a toujours suivie depuis l'indépendance.
Plus encore, je pense que cette décision a curieusement coïncidé avec les efforts déployés par certaines parties afin d'internationaliser la crise et d'ouvrir la voie d'une intervention étrangère en Syrie conformément à un agenda où la Tunisie n'a aucun intérêt ou rôle à jouer.
Je crois également que les forces politiques nationales devraient être consultées auparavant. Il se trouve, toutefois, que le chef du gouvernement Hamadi Jebali n'a fait aucune allusion à cette décision lors de la rencontre-débat qui l'a réuni, au cours de la semaine écoulée, avec les partis de l'opposition représentés à l'Assemblée nationale constituante.
Reste à savoir maintenant si le gouvernement a les moyens de prémunir les Tunisiens vivant en Syrie contre les intimidations dont ils pourraient être les victimes de la part des extrémistes soutenant le régime syrien.
Au PDP, nous tenons à souligner notre solidarité totale avec la révolution du peuple syrien tout en rejetant vivement les tentatives de ceux qui sont pour une intervention étrangère, laquelle intervention pourrait aboutir à une guerre civile entre les frères syriens et à détruire les institutions de l'Etat et de la société syriennes.
Nous exprimons, d'autre part, notre étonnement que la Tunisie soit le seul pays à prendre une telle décision à l'heure où même les Etats qui appellent ouvertement à une intervention militaire en Syrie maintiennent toujours les ponts du dialogue avec Damas. Ceux qui dirigent, aujourd'hui, la diplomatie tunisienne devraient avoir plus d'expérience et demander conseil auprès des experts dont regorge le ministère des Affaires étrangères afin d'éviter de commettre des erreurs inadmissibles.
Abdelkader Zitouni (président du Parti Tunisie Verte) : «Des agendas louches»
C'est une décision prise hâtivement par le président de la République sans prendre l'avis de l'Assemblée nationale constituante ou l'opinion des forces politiques nationales qui avaient leur mot à dire pour une décision qui aura des répercussions certaines sur les conditions de séjour, de travail ou d'études des Tunisiens résidant en Syrie.
Cette décision aura-t-elle également des retombées positives pour la révolution syrienne elle-même ? La question s'impose quand on sait qu'il y a beaucoup d'agendas louches et d'intérêts contradictoires en jeu dans la région.
Je suis persuadé qu'il faut appeler à un débat libre et ouvert pour mettre un terme à la répression en Syrie et pour que le peuple syrien saisisse les enjeux qui entourent sa révolution et prenne la décision qu'il estime la plus indiquée afin qu'il accède à la liberté, à la dignité et à la démocratie.
Propos recueillis par A.DERMECH


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