L'architecte a fait appel à ses talents d'animateur-producteur de télévision pour faire la promotion de l'architecture et de l'urbanisme tunisiens auprès des décideurs libyens. Pendant très longtemps concentrés quasi-exclusivement sur les biens et les équipements, les échanges commerciaux tuniso-libyens commencent à s'étendre aux services. La Chambre tuniso-libyenne, présidée par M. Slaheddine Chaâbane, fait de cette mutation l'une de ses priorités en plus, bien sûr, du développement des investissements tunisiens et libyens dans les deux pays. La Tunisie ayant un savoir-faire consommé et étant concurrentielle dans les services liés à l'architecture, à l'urbanisme et dans le bâtiment, la chambre a profité d'un récent colloque sur «l'urbanisme comme concrétisation de la culture», tenu à Tripoli, pour organiser, dans la capitale libyenne et à Misrata, un séminaire sur «les opportunités de partenariat dans le secteur de la construction et branches annexes» à l'intention des hommes d'affaires des deux pays. A cette occasion, la Chambre tuniso-libyenne a eu la lumineuse idée d'inclure dans sa délégation un Tunisien dont l'intervention lors du colloque sur «l'urbanisme comme concrétisation de la culture» -auquel des délégations de plusieurs pays européens ont pris part- a été «fortement appréciée par nos frères libyens qui l'ont ponctuée de nombreuses salves d'applaudissements nourries», témoigne M. Ali Dhaouadi, directeur de la Chambre, les larmes aux yeux. Ce «joker» tunisien n'est autre qu'Amir Turki, que les Tunisiens connaissent comme animateur-producteur d'émissions télévisées traitant d'architecture et d'urbanisme, mais qui, dans la vie, est architecte et enseignant à l'Ecole Nationale d'Architecture et d'Urbanisme (ENAU). Diplômé de l'ITAAUT et de l'Institut National du Patrimoine et patron d'un Bureau d'Etudes d'Architecture et d'Urbanisme (BEAU), Amir Turki a parlé de «l'urbanisme miroir des peuples et traduction des civilisations» pour répondre à «l'éternelle question sur l'urbanisme entre authenticité et modernité, ou comment l'urbanisme pourrait être en même temps enraciné dans le passé et en phase avec l'esprit de l'époque, sans tomber dans le folklore ou l'imitation ?». En guise d'exemple et en appui à son intervention, Amir Turki a projeté à l'intention de l'assistance un documentaire de 26 minutes sur «les qualités architecturales, urbanistiques, décoratives et symboliques» de l'Hôtel de ville de Tunis, qu'il avait produit en 1999 pour le compte de l'ERTT. «Nous avons ainsi voulu convaincre nos frères libyens que, ayant su bien faire en Tunisie, nous saurons bien faire en Libye», observe le patron du BEAU. L'enjeu est, il est vrai, très important. En effet, les autorités libyennes projettent de faire construire près de 250.000 logements au cours des cinq prochaines années, pour un budget de plusieurs milliards de dollars. De plus, ayant décidé de se lancer pour de bon dans le tourisme, la Libye va devoir se doter d'une infrastructure touristique. « On prévoit la construction à Tripoli d'hôtels, de bowlings, restaurants et d'une corniche sur près de 30 km», indique Amir Turki. Afin de permettre aux entreprises tunisiennes et libyennes de nouer des relations de partenariat dans ce domaine, la Chambre tuniso-libyenne a uvré au cours des derniers mois en vue de favoriser la conclusion ce qui a été fait fin mai à Misrata- de conventions entre les corps de métiers concernés (architectes, ingénieurs et entrepreneurs) dans les deux pays. Désormais, la balle est dans le camp des professionnels et il leur appartient de transformer l'essai.