L'événement: le conseil de la Choura du parti islamiste Ennahdha a choisi de ne soutenir aucun candidat à l'élection présidentielle. La nouvelle a été annoncée, vendredi tard dans la nuit, par Fathi Ayadi, président dudit conseil. Pour certains, c'est ouf de soulagement. Pourtant, ce choix, qui intervient quinze jours avant le scrutin présidentiel, ne manque pas d'enjeux non seulement pour la prochaine présidentielle mais aussi et surtout pour tout le processus démocratique engagé en Tunisie, et même pour l'avenir du pays. Concernant son impact sur les candidats, empressons-nous de signaler que cette décision dessert toutes les candidatures qui avaient tablé, même à la dernière minute, sur l'appui des 800.000 électeurs d'Ennahdha. C'est particulièrement le cas d'Ahmed Néjib Chebbi, Mohamed Frikha, Hamouda Ben Slama, Mustapha Ben Jaafar Elle sert, par contre, la candidature du président populiste sortant, Moncef Marzouki pour qui les troupes d'Ennahdha, génétiquement hostiles au projet de modernité et de laïcité véhiculé par le camp démocratique conduit par Nida Tounès, auraient voté avec ou sans la consigne de la direction de leur parti. En dépit de son bilan catastrophique et de son impopularité auprès des élites et des médias, le candidat Marzouki, appuyé (de façon indirecte) par le Qatar, constitue pour elles une ultime chance pour «équilibrer le paysage politique». Localisées en grande majorité au sud conservateur du pays, ces troupes, idéologiquement et subitement imbues des valeurs véhiculées par l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech), en l'occurrence l'application de la Chariâa et l'instauration du Califat, n'ont jamais cru en l'Etat tunisien et n'ont jamais été démocrates. C'est pourquoi, ces troupes, aujourd'hui non-encadrées par leurs gourous et autorisées à choisir librement, peuvent reprendre le poil de la bête et retrouver ainsi leur véritable nature terroriste et putschiste des années 80 et du début des années 90. Il y a péril en la demeure Pour mémoire, ce n'est pas la première fois qu'Ennahdha donne à ces adhérents la libre initiative. Elle l'avait fait antérieurement et le résultat était catastrophique. La première fois était en 1987. Cette décision s'était soldée par deux attentas à la bombe à Monastir et à Sousse. La seconde a eu lieu en 1991 lorsque des jeunes nahdhaouis ont brûlé deux gardiens du siège du comité de coordination du RCD à Bab Souika. Revenant sur les événements de Bab Souika sur El Wataniya 1, Cheikh Abdelfattah Mourou, actuel vice-président du parti Ennahdha, a déclaré que «derrière cette tragédie, il y avait de jeunes gens appartenant au mouvement, et non Ennahdha elle-même». Le relayant, Hamadi Jebali, figure de proue d'Ennahdha, avait, lors d'une conférence de presse tenue le 7 février 2011, précisé qu'«Ennahdha était en effet responsable de l'affaire Bab Souika, mais que c'étaient des jeunes ayant réagi de leur propre chef et en l'absence des chefs du mouvement, alors en prison ou en exil». Décryptage: la technique est la même. Pour éviter toute inculpation, le parti Ennahdha lâche dans la nature ses troupes lesquelles peuvent agir de leur propre chef et commettre des actes de violences (attentats ). Ainsi, ce libre choix accordé, aujourd'hui, aux adhérents d'Ennahdha n'est pas innocent et peut être qualifié justement de «bombe à retardement». Il illustre de manière éloquente que les leaders politiques du parti sont irresponsables et font encourir moult risques et dérapages au pays. Au regard de la nature violente et déstabilisatrice des mouvements islamistes, cette libre initiative pourrait générer des alliances d'une extrême gravité pour le pays au cas où les cellules putschistes dormantes d'Ennahdha s'associaient avec les cellules dormantes de l'organisation terroriste Ansar Chariaa. Désormais, l'heure est grave et la vigilance -voire l'extrême vigilance- doit être de mise. Il y a, hélas, péril en la demeure. Et c'est encore une fois la faute de ce parti déstabilisateur Ennahdha. On l'aura dit.