Il existe au Maghreb des projets d'innovation dont le marché potentiel déborde le cadre national : Le CLDP conçoit avec l'ATIC un programme spécial pour les besoins des PMI innovantes. Alaya BETTAIEB, président de l'ATIC, et SG de l'Association arabe du capital risque (AACR)(1) en parle. Nombre de scientifiques et d'ingénieurs du Maghreb ont développé des technologies dont les avantages sont tels que leur marché potentiel est beaucoup plus large que le seul marché national(2). Autour de ces technologies pourraient être fondées des PME innovatrices créatrices d'emplois, notamment pour des diplômés de l'enseignement supérieur. Toutefois, jusqu'à une période récente, les promoteurs de ces projets ne trouvaient pas auprès des SICAR maghrébines les capitaux propres nécessaires à la création des PME qu'ils voulaient fonder. La raison majeure de cette inadéquation entre demande et offre de capitaux propres n'était pas nécessairement l'insuffisance de l'offre. En effet, aux ressources nationales collectées pour l'investissement en capitaux propres s'ajoutaient les contributions des organismes de financement bilatéraux et multilatéraux. C'est avant tout la difficulté pour des technologues à communiquer avec des financiers qui expliquait la non réceptivité de ces derniers aux demandes présentées par les promoteurs. La situation a considérablement changé au cours des dernières années, avec les mécanismes PIRD et VRR (3) en Tunisie et le Fonds d'amorçage SINDIBAD au Maroc. Toutefois, des maillons manquent à la chaîne. Afin de débattre le sujet, et suite à une initiative prise par l'ATIC et le Commercial Law Development Program au sein du Département du Commerce américain, un atelier a eu lieu en mars dernier, qui a regroupé des experts, avocats, bureaux d'études, entrepreneurs innovateurs et des SICAR intéressées par le volet innovation de la région du Maghreb ; cette rencontre s'était déroulée au parc technologique d'El Ghazala rehaussée par la présence de SE William J. HUDSON, ambassadeur des Etats-Unis à Tunis. La rencontre a permis d'identifier les maillons manquants qui sont essentiellement de trois ordres : 1/ Il n'existe pas vraiment au Maghreb de mécanismes appropriés pour le financement de la phase R&D (à l'exception du VRR en Tunisie octroyé par les chercheurs). Les SICAR sont donc souvent sollicitées pour financer cette phase, ce qui n'est pas leur vocation. 2/ L'élaboration des projets des promoteurs pâtit de l'étroitesse du tertiaire de l'innovation technologique, en particulier du nombre trop limité de conseillers juridiques spécialisés (conseils juridiques en propriété intellectuelle, conseils juridiques en stratégie de développement international de PME technologiques). 3/ Faute de la masse critique d'utilisateurs potentiels dans chacun des trois pays, il n'existe pas au Maghreb suffisamment de compétences spécialisées capables: - de faire l'interface entre le discours technologique spécialisé du promoteur et l'approche généraliste, privilégiant la rentabilité de la SICAR ; - de faire l'évaluation de la compétitivité, au plan mondial, de la technologie du promoteur et du marché potentiel de cette technologie. Par ailleurs, la volonté des pouvoirs publics au Maghreb d'inscrire toute activité économique dans un cadre réglementaire constitue souvent un frein considérable au développement d'activités innovatrices qui, en raison même de leur caractère novateur, ne rentrent pas dans le cadre de la réglementation existante. Similitudes, convergences et synergies possibles Même si les environnements législatifs diffèrent, les SICAR du Maghreb sont confrontées à des problématiques similaires: évaluation de la valeur du capital technologique de la PME innovatrice, structuration d'une relation avec le promoteur motivant (ce dernier est suffisamment souple pour pouvoir s'adapter à des situations qui sont imprévisibles au début de la relation), sortie rémunératrice en l'absence de possibilité de sortie sur le marché boursier. En outre, dans les quelques pays où elles existent, les SICAR du Maghreb tirent des leçons similaires de leur expérience: La SICAR, si elle veut jouer pleinement son rôle, doit se considérer comme un partenaire du promoteur, capable d'apporter à ce dernier un appui en gestion et en conseil stratégique. Les marchés boursiers ne constituent pas pour l'instant au Maghreb le lieu naturel de sortie de la SICAR. Des mécanismes différents doivent être imaginés, telles que les cessions majoritaires ou les LBO. Il est nécessaire de créer des interfaces entre le monde du capital risque, celui des promoteurs et PME et l'université. Sous réserve de la mise en place d'une législation appropriée, il est possible de créer des structures de valorisation des résultats de la recherche ancrées dans l'université mais à même de fonctionner selon des modalités souples et rémunératrices. Comme en témoignait le discours d'ouverture de l'ambassadeur américain, les Etats-Unis, en réponse au souhait des pouvoirs publics et des opérateurs locaux, soutiennent le développement des PME innovatrices au Maghreb. Dans cette perspective, pourrait être envisagés deux types de projets d'assistance technique des Etats-Unis. Ces projets seraient conduits en étroite coopération avec les SICAR fédérées d'Algérie, du Maroc et de Tunisie avec l'ATIC comme point focal. Il a été décidé la tenue en septembre 2005, à Tunis, d'un séminaire sur le thème «Stratégies de Développement International des PME Innovatrices au Maghreb: les composantes essentielles». Ce séminaire d'échanges et de formation comporterait trois ateliers principaux: Comment protéger hors du Maghreb la propriété intellectuelle de la PME innovatrice? Comment réussir les cessions de technologie? Comment réussir les alliances et partenariats technologiques internationaux? Contribution potentielle de l'assistance technique des USA à la mise en place des maillons manquants Faisant suite aux recommandations de ce premier workshop, l'ATIC & le CLDP ont co-organisé le 23 septembre dernier, au Parc Technologique d'El Ghazala, un deuxième atelier de suivi en présence d'experts maghrébins en la matière pour donner suite aux problèmes soulevés, mais aussi de débattre des propositions américaines qui ont été présentées à l'occasion. Lors de son discours d'ouverture, l'ambassadeur américain a informé les participants que le gouvernement US a conçu un programme baptisé AMI (Assessment of Maghreb Innovations), qui prend en considération une série de mesures pour résoudre les problèmes posés et ce à travers le recours à un bureau d'expertise en Technology Licensing en l'occurrence Transfert of Technology Associates "TTA", fondée par des gestionnaires des Offices of Technology Licensing de Georgia Institute of Technology et Virginia Polytechnic Institute dont Dr. Micheal Martin, président de TTA, qui s'est venu à Tunis spécialement pour lancer le programme AMI. Le Programme s'étale sur une année et sera financé dans le cadre du Programme MEPI (Middle East Partnership Initiative) pour évaluer au plan mondial la compétitivité et le marché potentiel d'au plus une dizaine de projets innovants maghrébins (moitié tunisiens et moitié algéro-marocains), transmis à TTA par le secrétaire général de l'Association arabe du capital risque et président de l'ATIC. Ces projets auraient été préalablement pré-qualifiés par une structure de valorisation telle que le CIT au Maroc. L'ATIC, initiateur de la mission, était désignée comme point focal de cette action maghrébine. A la suite de cette rencontre, au cours de laquelle des responsables des ministères concernés ont assisté, une série d'actions a été décidée dont la création d'un comité quadripartite qui devrait être formé dans les plus cours délais et au plus tard le 30 octobre par deux membres de chaque pays représentant (a), le secteur financier (capital d'amorçage et/ou capital risque) (b), une institution locale qui pourrait valider la crédibilité de la technologie ou du concept avant sa proposition à TTA et par la suite aux financiers, une fois évalué et validé. La délégation Marocaine a décidé que le Maroc soit représenté par le fonds d'amorçage Sindibad, et le Centre d'Innovation Technologique de l'Ecole Mohammedia d'Ingénieurs à Rabat. La partie algérienne sera représentée par Finalep (la seule SICAR) et l'Ecole Nationale Polytechnique comme point focal qui regroupera d'autres experts d'autres institutions. Quant aux Américains, ils seront représentés par Dr. Micheal Martin, président de TTA, expert et chef de mission, et Marc Tejtel, expert coordinateur de CLDP. Enfin, la partie tunisienne sera représentée pour le volet financier par un représentant de l'ATIC le plus impliqué dans le financement de la technologie dans sa phase d'amorçage. Il reste à désigner le corps qui va être impliqué dans la validation du concept technologique des projets candidats tunisiens et même maghrébins. Nous attendons encore la décision des autorités concernées relative à la formule idoine qui pourrait mieux représenter la Tunisie dans ce comité qui devrait commencer ses premiers travaux dans le mois qui suit. Je pense que c'est une excellente opportunité que la Tunisie doit saisir aussi rapidement pour développer son savoir-faire dans l'évaluation de la technologie, et sa protection et commercialisation à l'échelle internationale. (1) L'Association Arabe du Capital Risque est une association à but non lucratif qui regroupe l'ensemble des SICAR des pays arabes, fondée au Caire le 12 février 2005 et ayant son siège à Tunis. Elle est en attente des autorisations des autorités compétentes pour démarrer ses activités en Tunisie. (2) Voir article sur la fondation arabe des sciences et des technologies et son forum à Bahrain (3) Prime d'incitation à la Recherche Développement et valorisation des Résultats de Recherche