Le Grand Tunis a connu, l'espace d'une vingtaine de jours, des perturbations climatiques exceptionnelles. Des pluies diluviennes dégénérées en crues ont fragilisé l'infrastructure et causé la mort d'au moins 16 personnes. Les précipitations torrentielles qui se sont abattues sur la capitale et ses proches banlieues rappellent les pluies tropicales. Il s'agit de trombes d'eaux, voire d'averses violentes qui peuvent, en un laps de temps très court, détruire toute une moisson et endommager l'infrastructure. De plus, la terre ne pouvant absorber d'aussi grandes quantités d'eau, il y a de grands risques d´érosion des sols, et partant, d'inondations dévastatrices. Des pluies pourtant prévisibles Ces pluies violentes voire des phénomènes climatiques extrêmes, ont été pourtant prévues par une étude sur l'impact futur du climat sur l'économie tunisienne. Selon cette étude menée avec le concours de l'agence de coopération allemande GTZ et disponible depuis janvier 2007, la Tunisie va être confrontée, d'ici 2030, à un réchauffement climatique de 1,1 degré et de 2 degrés d'ici 2060. «Ce réchauffement sera perceptible à travers des phénomènes climatiques extrêmes, c'est-à-dire, plus de canicules, plus de crues et plus de vents, parfois même concomitamment». Ces phénomènes extrêmes (sécheresses, inondations, vents) augmenteront en fréquence et en intensité, les années très sèches devant se succéder plus souvent à l'avenir. Au surplus, le niveau de la mer va augmenter. La hausse du niveau de la mer aura, particulièrement, des conséquences sur le littoral, les réserves d'eau potable, les zones humides côtières et les eaux souterraines adjacentes, en particulier par l'augmentation de leur salinité. A l'évidence, il s'agit d'un changement climatique majeur auquel la Tunisie devra, désormais, s'adapter. Au niveau des régions, c'est le sud du pays qui souffrira le plus du réchauffement du climat. Dans cette région, les températures annuelles seront en hausse, les précipitations diminueront et les années sèches seront plus fréquentes. Pour le centre et le nord, la situation sera moins grave. Les symptômes seront certes les mêmes : baisse des précipitations, plus de sécheresse et élévation de températures, mais seront supportables. Transformer la nouvelle donne climatique en business En prévision de l'avènement de «cette bombe climatique» dont on connaît déjà quelques éclats, les pouvoirs publics ont mis au point «une stratégie d'adaptation» à la nouvelle donne climatique. Globalement, il s'agit de dépasser la gestion de crise à court terme au moyen d'une stratégie d'adaptation aux risques liés aux changements climatiques, d'intégrer la volatilité climatique dans la politique agricole et économique du pays, et de gérer de manière intégrée les conséquences socioéconomiques grevant le secteur agricole. Ces actions consistent à mettre en fonction un système de veille climatologique (télédétection spatiale) et d'alerte précoce (réseau terrestre météorologique amélioré par automatisation) jusqu'au niveau des exploitations, et à gérer au mieux les ressources en eau (constitution de réserves virtuelles en prévision des sécheresses, protection des ressources souterraines et révision de la tarification de l'eau).Au rayon de l'agriculture, l'accent sera mis sur l'application rigoureuse de la Carte agricole (vocations des sols et des cultures, sur les reconversions (au bio à titre indicatif ). Cette stratégie prévoit des actions qui peuvent transformer les aléas climatiques en atout. Ainsi, la labellisation «climatique» de l'agriculture compétitive adaptée aux risques climatiques au moyen d'un poinçon de qualité pourrait rendre cette activité plus attractive et plus rentable. Au niveau international, la Tunisie est en mesure d'explorer les instruments internationaux de compensation climatique institués pour financer l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. C'est dans cette perspective que s'inscrit, justement, la coopération tuniso -allemande en matière d'environnement. Les Allemands achètent aux Tunisiens l'effort qu'ils fournissent pour réduire les émissions de gaz. Elle pourrait, également, tirer profit du projet du Fonds d'adaptation des Nations unies visant à aider les pays africains à faire face aux changements climatiques. Une précieuse opportunité s'offre, déjà, à la Tunisie qui abritera, du 9 au 10 novembre 2007, au Parc des expositions du Kram, le premier forum international d'investissement et d'emploi dans le domaine de l'environnement «Green Ifriqiya 2007». Organisé par le ministère de l'Environnement et du Développement durable avec la GTZ, ce forum vise à développer les opportunités d'affaires dans le domaine de l'environnement et à offrir aux entreprises et acteurs économiques l'occasion d'accéder aux dernières nouveautés technologiques environnementales, l'ultime but étant d'accroître l'investissement dans ce créneau porteur. Pour revenir à la stratégie d'adaptation, celle-ci gagnerait à prendre une dimension institutionnelle à travers la création d'un «conseil national climatique». Cette institution aura pour mission d'intégrer la volatilité climatique dans la politique économique et agricole du pays, d'appliquer, de gérer l'impact sectoriel des futurs changements climatiques, de faire évaluer et d'adapter périodiquement la stratégie intégrée et le plan d'action national d'adaptation aux changements climatiques. Enfin au regard de l'ampleur des pertes humaines et matérielles causées par les récentes pluies automnales, les institutions de l'Etat (équipement, ONAS, collectivités locales) ont tout intérêt à faire de cette stratégie leur feuille de route, voire leur tableau de bord pour leur action au quotidien. Pour l'ensemble des fonctionnaires de ces institutions, nous rappelons que le changement climatique est un enjeu et non un jeu