L'Agence nationale de protection de l'environnement (ANPE) a dû attendre la célébration de son 20ème anniversaire pour rendre publics les résultats d'une étude sur la pollution sonore en Tunisie, pollution occultée et sous-médiatisée en dépit de ses effets pervers sur la santé de l'homme. C'est pour dire que cette étude vient à point nommé en ce sens où les nuisances sonores figurent, aujourd'hui, parmi les sources majeures qui affectent le cadre de vie des habitants des grandes villes et deviennent de plus en plus une réelle préoccupation d'une société en perpétuelle évolution.
L'étude, qui couvre les volets institutionnel, réglementaire et opérationnel, traite des divers aspects du bruit, esquisse les contours d'une campagne de mesure de bruit et formule des recommandations.
Principale révélation de cette étude effectuée avec le concours de l'agence de coopération technique allemande (GTZ) : les niveaux de nuisances sonores enregistrés dépassent les seuils réglementés de jour comme de nuit. Ceux-ci varient entre 56 et 75 décibels pour des seuils tolérés et réglementaires de 45 à 60 décibels.
Les pollueurs sonores ont pour nom les gros ouvrages d'infrastructure : aéroports, autoroutes, voies ferrées, entreprises industrielles, chantiers de construction, locaux commerciaux et ceux ouverts au public (salle de fêtes, restaurants) et le bruit des voisinages (fêtes privées, activités domestiques).
Dans l'objectif de quantifier le degré de nuisances sonores dans quelques zones du Grand Tunis, des mesures de bruit ont été effectuées au niveau de logements situés à proximité de ces grandes infrastructures (trafic aérien, routier et ferroviaire)
L'étude montre également que la réglementation existante ne couvre pas l'isolation acoustique des bâtiments ne protège nullement les habitants, pris en sandwich entre le bruit extérieur (chantiers de construction, bruit d'avions) et intérieur (bruit de voisinage et activités commerciales).
Cette même réglementation ne prévoit pas d'études sismiques pour l'obtention d'autorisation d'exploitation des carrières et d'études acoustiques préalables à l'ouverture d'établissements bruyants.
Mention spéciale pour ces «sauvageons», de véritables hordes nocturnes qu'on ne mentionne nulle part et qui, presque dans tous les quartiers, chics ou populaires, veillent jusqu'à cinq heures du matin, au bas des résidences et immeubles pour empoisonner le milieu et assommer leurs habitants endormis d'une sous-culture, un cocktail de football régionaliste, de langage ordurier et de frime urbaine.
L'étude ne se contente pas de faire un diagnostic de la situation. Elle propose des pistes pour s'en sortir.
En amont, elle propose au niveau réglementaire d'harmoniser les textes existants et de les regrouper dans une seule loi-cadre qui définit les normes et rôles des uns et des autres.
Au niveau institutionnel, les pouvoirs publics sont appelés à prendre en considération le facteur bruit dans les plans d'aménagement urbain et d'intensifier les campagnes de sensibilisation ciblant les opérateurs industriels.
Autre recommandation : créer une structure spécialisée dans le bruit. Cette structure est appelée à être une sorte de référence en matière d'information, de conseil, d'orientation dans le domaine de lutte contre les nuisances sonores.
A court terme, l'étude préconise d'organiser une campagne de mesure du bruit à travers toute la République. Objectif : élaborer une cartographie sonore des grandes villes.
Elle suggère la mise en place d'un mécanisme pour indemniser et compenser les nuisances générées par les aéroports, autoroutes et voies ferrées.
Intervenant dans le cadre d'une conférence sur «la pollution sonore : état des lieux et perspectives», le ministre de l'Environnement et du Développement durable, M. Nadhir Hamada, a annoncé l'élaboration imminente d'une loi sur la lutte contre la pollution sonore.
En attendant, cet été, d'honnêtes gens continueront à subir, surtout, des nuisances sonores anthropiques générées par le bruit du voisinage (fêtes privées, activités domestiques, veillées bruyantes de jeunes en mal d'encadrement ).