Cette 5ème édition du Forum international médical de Réalités sur «L'industrie pharmaceutique tunisienne et l'exportation : l'exemple de l'Afrique» a été empreinte de deux notes. La première est marquée de satisfaction face à un jeune secteur qui, en l'espace de deux décades, est devenu exportateur en réalisant un peu plus de 20 millions de dinars par an. La seconde est marquée de crainte pour un secteur potentiellement capable de faire de grandes réalisations sur le plan de l'export mais qui reste freiné sous le poids de certains facteurs appelés à être estompés. La situation du secteur pharmaceutique en Tunisie, telle que l'a présentée le Pr. Maher Kammoun, président de la CNIP (chambre nationale de l'industrie pharmaceutique), se présente ainsi. De trois laboratoires en 1987, le secteur aligne aujourd'hui 43 unités dont 27 pour les médicaments humains, 6 pour les médicaments vétérinaires, et 10 pour les dispositifs médicaux, les sérums, les vaccins, les dérivés du sang et les gaz médicaux. Né à partir des années 1990, le secteur a dû mobiliser des investissements estimés à 450 millions de dinars (MDT), ce qui a contribué à l'emploi de 3.500 personnes dont le tiers est formé des diplômés du supérieur. L'on estime la valeur de la production à près de 300 MDT, soit de quoi couvrir les besoins du pays à hauteur de 47,2% en valeur et près de 60% en nombre d'unités. Le plus important (économiquement parlant), c'est que le secteur a permis d'économiser annuellement 150 MDT en devises. Sauf que jusque-là (milieu des années 1990), le secteur était resté tourné vers le marché local. En se tournant petit à petit vers l'exportation, cette opération ne représente guère plus aujourd'hui que 8 % de la valeur de la production, soit 25 MDT sur 300 MDT. Ce n'est certainement pas terrible, mais il faut dire que durant les vingt dernières années, la Tunisie est parvenue à créer malgré tout un secteur industriel de haute technologie, de garantir les normes de qualité, et de couvrir une bonne partie des besoins du pays. A présent, l'effort consiste à développer davantage l'export. Ce n'est pas une mince affaire. Mais la partie est jouable : les professionnels tout comme les pouvoirs publics sont déterminés à relever ce défi. Du côté des pouvoirs publics, on signale la décision du conseil ministériel du 5 novembre 2008 présidé par le chef de l'Etat et visant à faire de la Tunisie un pôle d'exportation des produits de santé à l'horizon 2016. Une autre décision devrait porter sur une étude stratégique pour le secteur en vue de le promouvoir. Aléas et handicaps Etant bien entendu que le médicament n'est pas un produit quelconque (il y va de la santé de l'individu), il existe des règles spécifiques liées au secteur, à savoir une procédure obligatoire d'agrément du site de production, et l'obtention d'une AMM (autorisation de mise sur le marché) pour chaque produit exportable. Or, ces règles sont à la fois longues (deux à trois ans), coûteuses (notamment pour les produits nécessitant des études de bioéquivalence) et périlleuses (leurs résultats ne sont pas vraiment garantis). Par ailleurs, il existe des circuits dits formels et d'autres, informels. Dans les premiers, l'exportation directe se fait par les laboratoires de fabrication des produits pharmaceutiques ou par le truchement des sociétés de commerce extérieur. Comme mentionné plus haut, la valeur de l'exportation directe est de 25 MDT/an dont plus de 80% sont destinés aux pays du Maghreb. Quant à l'exportation indirecte, elle s'exprime par la consommation des produits nationaux par les étrangers non résidents et qui viennent se soigner en Tunisie. La valeur de cet export échappe à tout calcul. Dans les circuits informels, on insiste sur l'exportation illégale qui se fait à travers les frontières tuniso-libyennes et tuniso-algériennes (généralement par la valise), sans perdre de vue l'achat direct par les touristes de ces produits à très bon marché ou carrément compensés. Cet export échappe également au calcul. Il en résulte par conséquent que le marché est déstabilisé, cependant que le coût de la santé en général est affecté. Quant aux handicaps, on relève que les prix fixés par les pouvoirs publics, lesquels sont figés par rapport aux charges et le glissement de la valeur de la monnaie nationale, sont devenus des prix handicapants pour l'export. On souligne aussi le coût de l'investissement à l'export et la complexité des procédures d'exportation pour un résultat aléatoire. Et on déplore l'absence d'un centre national d'études de bioéquivalence, de même que le coût élevé desdites études à l'étranger. Défis Aujourd'hui, l'on s'est lancé pour principal défi celui visant à multiplier la valeur actuelle de l'export par cinq d'ici l'an 2016, ce qui, au préalable, implique le développement de nouveaux produits et particulièrement ceux de seconde génération ou à forte rentabilité, et la révision de la politique des prix à l'échelle nationale.