Webmanagercenter : Les marchés financiers des pays du Golfe ont perdu 200 milliards de $ dès le déclenchement de la crise. Quelle explication pouvez-vous apporter à une telle débâcle ? N'est-il pas temps de prendre du recul par rapport à vos alliances stratégiques avec les marchés occidentaux ? Jassim El Manai: La raison de ces pertes ne relève pas essentiellement des liens des marchés financiers des pays du Golfe avec les marchés internationaux. En fait, toutes les sociétés cotées sur les marchés boursiers dans les pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) sont en bonne santé. Le facteur psychologique a été pour beaucoup dans la baisse relevée au niveau de certaines Bourses. La raison étant que l'économie réelle peut en pâtir sans oublier la régression significative du prix du pétrole qui a un impact certain sur les économies des pays du Golfe. Ces pays, dont les revenus des exportations des hydrocarbures, constituent une composante importante sinon capitale de leurs économies et qui ont un impact direct sur les dynamiques des marchés. Cette récession est donc la résultante des peurs des entreprises cotées en Bourse qui s'inquiétaient du fait que la crise pouvait influer sur les programmes gouvernementaux pour la réalisation de nouveaux projets d'investissement. Oui, mais nous avons remarqué que des investisseurs étrangers ont retiré leurs fonds des marchés boursiers du Golfe. Ils ne sont pas aussi nombreux que vous le pensez. Les pays du Golfe disposent de grandes liquidités et ne sont pas comme les pays pauvres tributaires des capitaux extérieurs et de leurs exportations. Vos investissements aux Etats-Unis ont été gravement touchés ? Ce ne sont pas uniquement les investissements des pays du Golfe mais ceux du monde entier qui ont été atteints, et en premier lieu américains et européens. Cette crise incitera t-elle l'investisseur du Golfe à changer ses orientations en matière d'investissements ? Il est évident qu'elle appelle à une remise en cause non pas des choix des pays du Golfe en matière d'investissement mais également de ceux des tous les autres. Mais que ce soit clair, les marchés occidentaux sont très importants pour nous, nous ne prendrons jamais le risque d'y perdre notre positionnement. Ceux qui s'imaginent que nos pays changeront de cap et que nos investisseurs orienteront leurs investissements différemment se trompent. Ceci dit, nous serons plus vigilants dans l'avenir. Comptez-vous diversifier vos investissements de manière à ce qu'ils ne se limitent pas à l'immobilier et aux marchés financiers et qu'ils ne comptent pas uniquement sur les richesses pétrolières ? Ce que vous dites là n'est pas exact. Nous investissons dans différents secteurs et pas uniquement dans ceux liés au raffinage du pétrole. Savez-vous que nous possédons une industrie d'aluminium des plus prospères au monde ? Le problème est que les gens ne voient en nous que des producteurs de pétrole. C'est peut-être votre faute, vous ne faites pas d'efforts pour que les gens vous voient autrement. La méprise est dans le regard qu'on pose sur nous et sur notre industrie, on a l'impression qu'on sous-estime nos réalisations industrielles. Pouvons-nous nous attendre à plus d'investissement de la part des pays du Golfe dans les pays du Maghreb ? Les pays du Golfe ont toujours investi en Tunisie, au Maroc et en Algérie. Et maintenant plus que jamais et en raison de la crise, nous comptons revoir nos stratégies dans le sens de plus d'investissements dans les pays du Maghreb. Vos monnaies resteront-elles toujours indexées au $ américain ? Le dollar américain est une monnaie internationale. Si la Chine, qui est une puissance économique, en use dans ses échanges commerciaux (ce n'est plus évident aujourd'hui), voulez-vous qu'on le remette en question? C'est la monnaie des investissements, des transactions financières et du commerce international. Et à propos, le jour où l'euro donnera la preuve qu'il est une meilleure monnaie d'échange, nous changerons peut-être d'orientation.