Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Tunisie - Spécial Banque : Mohamed Rekik, directeur de la supervision des banques et des dépôts à la BCT : «Le groupement des banques publiques STB/BNA/BH accompagnera le développement des holdings privés»
Pour développer le secteur bancaire en Tunisie, il est indispensable selon certains experts de résoudre le problème des créances accrochées, améliorer la qualité des systèmes d'information des banques et encourager une plus grande compétitivité entre entreprises afin de mettre à jour les règlementations. Quel est votre point de vue ? Mohamed Rekik : Ce que vous dites est vrai, un indicateur de créances accrochées, est un handicap mais il faut nuancer et aller au fond des choses. La définition des créances accrochées en Tunisie est d'une rigueur incomparable, elle est presque unique de par le monde. En ce qui nous concerne, nous ne faisons, partant de ce lieu exceptionnel qu'est la banque centrale, qu'observer le niveau de créances classées dans nos banques, ce qu'il en est dans les autres pays et quelles sont les définitions admises à leur propos. Le taux de nos créances accrochées à fin juin 2009 est de l'ordre de 15,1%, il était aux alentours de 36% en 1993. En 2014, nous arriverons à baisser le taux à 7% et je ne vous cache pas que c'est dans nos cordes, il s'agit juste de gagner 2% chaque année. Ceci étant, lorsque nous parlons de créances accrochées dans notre pays, nous ne parlons pas de créances totalement perdues ou carbonisées, nous désignons des créances sur des entreprises souffrant de difficultés d'endettement. Il faut reconnaître à ce propos que notre économie marche avec l'endettement, celui des ménages, des entreprises, de l'Etat. Notre économie est basée sur l'endettement car nous n'avons pas d'excédants d'épargne dans notre pays. Par conséquent nous avons un endettement intérieur de l'Etat, un endettement extérieur de l'économie, un autre des entreprises et des ménages Est-ce positif ? Est-ce négatif ? De grands pays jouent sur ce levier là pour financer énormément de projets, investir et créer de la valeur au sein de l'économie. Tant qu'il y a création de la valeur, qui se traduit par de la croissance positive, l'endettement n'est pas nocif puisqu'il part d'une logique économique, il crée de la valeur et reste bénéfique pour la communauté. Nous sommes dans cette situation là. Les impayés révèlent quelque part que certaines entreprises sont fortement endettées par rapport à leurs capacités. Peut-on pour autant certifier que ces entreprises sont totalement perdues, irrécupérables, condamnées ? Non. Nous passons nos vacances estivales dans des hôtels et il y en a qui sont surendettés et classés, mais ils fonctionnent toujours. Il est vrai aussi que certains hôtels ou entreprises ont contracté des endettements démesurés, que nous sommes en train de traiter. Examiner la possibilité de les restructurer ou carrément étudier leur viabilité. Notre objectif n'est pas d'avoir une partie de notre parc hôtelier ou de notre tissu industriel classés. Le plus important pour nous est tout au contraire de les préserver car les enjeux économiques en sont importants. Tout cela pour dire que notre système de classement est un système qui allie rigueur, flexibilité et utilité économique. Quel est le garant du succès du partenariat Banque/entreprise, selon vous ? Transparence et confiance sont à la base du rapport banque/entreprise, si ce n'est un obstacle de taille appelé pluri-bancarité. La pluri-bancarité peut se justifier lorsqu'il y a un besoin commercial de répartir le risque mais elle pourrait être néfaste pour l'entreprise. Gérer quatre comptes courants auprès de quatre banques est néfaste pour une PME. Gérer une multitude de crédits représente un surcout pour l'entreprise et un risque pour son management et sa gestion, quel financier pourrait assurer tout cela ? Etre transparent, exposer ses problèmes à son banquier en toute franchise permet de trouver des solutions adaptées. Il y a toujours une solution et elle est mieux que la pluri-bancarité. Avez-vous les moyens de déceler des complicités qui peuvent avoir lieu entre des banquiers et des dirigeants d'entreprises et qui peuvent mener à déclassifier des créances ? Premièrement, nos banques sont très disciplinées. Ensuite, pour celles qui ne le sont pas, nous avons les moyens de faire des recoupements extraordinaires. On ne peut pas nous dissimuler des informations touchant aux relations avec l'entreprise grâce au système du contrôle à postériori des crédits et par les recoupements de toutes les informations qui existe au niveau de la banque centrale et qui sont dans la plupart des informations consolidées, il n'y a pas moyen d'échapper au contrôle de la BCT. Pensez-vous que la qualité des systèmes d'information implantés aujourd'hui dans nos banques, et pour la plupart locaux, sont assez évolués pour accompagner le développement du secteur bancaire et la mise sur le marché de produits innovants ? Aujourd'hui nous parlons d'une industrie bancaire ce qui implique une technologie derrière. Lorsque nous parlons industrie, il s'agit en fait de la standardisation d'un produit et sa production en masse sinon nous tombons dans l'approximatif et l'artisanal. Nous avons depuis les années 90 saisi l'importance d'un plus grand apport technologique, toutes nos institutions bancaires travaillent aujourd'hui sur la rénovation de leurs systèmes d'information. La plupart de ces systèmes sont conçus à l'échelle locale, peut-on réussir le global banking ou un autre système permettant des applications sophistiquées en ne nous référant pas à leurs propres concepteurs ? Pourquoi pas ? Les standards sont là, et chaque banque fait un choix en optant pour un système plutôt qu'un autre. Il y a aussi ce que nous appelons le développement interne du système, parfois il y a des développements groupés en recourant à des prestataires comme la BFI. D'autres banques ont adopté les systèmes d'information de leurs sociétés mère. Savez-vous combien coute un système d'information ? Cher, extrêmement cher. La Tunisie a beaucoup investi depuis les années 70 dans l'enseignement supérieur, dans la formation des ingénieurs, le développement de l'informatique et le renforcement du nombre des instituts de technologie, d'instruction, serions-nous incapables de développer les systèmes d'information au sein de nos banques ? On peut procéder à l'achat d'un noyau dur de l'étranger sur lequel on greffe des applicatifs en développement interne et qui sont capables de répondre aux normes reconnues ou mettre en place nous même un noyau dur et acheter les applicatifs. La banque de Tunisie a fait du développement interne tout en recourant à une expertise étrangère à chaque fois que cela s'avèrait nécessaire et nous recourrons toujours à des expertises extérieures tunisiennes et étrangères mais là nous maîtrisons notre système. Un système d'information performant adossé à des stratégies de développement conséquentes et un plan de conquête à l'international pourront-ils booster la compétitivité des banques à l'échelle locale et la soutenir à l'international ? S'attaquer à d'autres marchés en se basant uniquement sur le système d'information, n'est certainement pas suffisant. Il est vrai que dès le moment où on devient plus compétitif, il y a des gains de coût, de productivité ce qui va nous encourager à concevoir d'autres produits et nous inciter à atteindre d'autres marchés. Un système d'information qui n'assure pas un gain de productivité n'est pas un système adapté ou approprié et il est un mauvais choix pour la banque. Nous assistons de plus en plus à la constitution de grands groupes industriels, touristiques, ou aussi de services, des holdings touchant à toutes les activités économiques qui se sont développées et ont grandi alors que nos banques, restent pour la plupart relativement petites. Elles ne peuvent même pas soutenir le développement de ces groupes. Quelle politique compte entreprendre l'Etat et au travers de lui-même la BCT pour encourager la formation de groupements bancaires ? Nous sommes actuellement à 20 banques sur la place, 10 banques accaparent 92%, de l'actif bancaire : l'ATB, la BH, la BNA, la STB, la BIAT, la BT, l'UBCI, l'UIB, l'Amen Bank, c'est-à-dire les banques qui ont un historique. Dans le cadre du programme présidentiel, nous comptons créer une holding de banques publiques et une autre pour le financement des PME qui servira à mettre en place une stratégie unifiée dans leur direction. C'est pour soutenir les nouveaux promoteurs et éviter qu'ils se dispersent entre les différents banques, guichets et paperasserie, qu'on a fait le choix stratégique de pareil regroupement afin qu'ils s'adressent à un seul interlocuteur ou plusieurs mais groupés et exposent leurs projets et leurs idées. Dans le même temps, nous avons pensé qu'il était grand temps de créer une holding de banques publiques. L'idée est que ces banques qui sont trois, chacune spécialisée dans un secteur d'activité : l'agriculture, l'habitat, les PME/PMI et offrant des produits universels, arrêtent de se concurrencer entre elles et disposent des moyens adéquats pour accompagner n'importe quel groupe dans son programme de développement. . En se regroupant, elles concurrenceront d'autres banques privées. Elles seront trois aussi à s'exposer au risque, ce qui est de loin mieux que de s'y exposer en solo. Elles seront une seule entité à traiter avec les holdings qui progressent de plus en plus dans notre pays. Nous avons démarré par les banques publiques sur lesquelles nous pouvons agir, l'idée est que peut être demain, nous pourrions inciter les banques privées à faire de même, nous voudrions que ce soit un levier pour le secteur privé. Aujourd'hui, en Algérie il faut avoir un capital minimum de 100 millions de $ pour y mettre pied, nos banques n'ont pas ces capacités là. Si une banque disposant d'un capital de 90 à 100 millions de DT, nous informe qu'elle va investir 100millions de $ en Algérie, nous répondrons que ce n'est pas possible. Ce marché est aujourd'hui hors de nos moyens. Donc si nous devons nous internationaliser, nous devons passer forcément par des regroupements. Si nous voulons être des champions régionaux, nous devons en avoir les moyens. La privatisation des trois banques publiques dont vous venez de parler après celle d'Attijari, l'UIB, BTK n'est donc pas à l'ordre du jour? Peut-on réellement nous positionner en tant que pôle financier par rapport à des concurrents tels le Maroc ? La BNA, la BH et la STB ne seront pas privatisées. Quant à la concurrence étrangère, il y a peut être le Maroc mais aussi malte sans oublier le Liban, et l'Egypte. Le Liban est très fort, il dispose d'un parc de 71 banques pour 4millions d'habitants, il est choyé grâce à sa position géographique. Il a une diaspora qui représente 12 millions à 13 millions, c'est 3 fois la population autochtone également sans oublier les capitaux des pays du moyen orient, sont proches et avec lesquels, ils ont des relations d'affaires et de commerce très importantes. Etre un pôle financier est pour nous une aspiration et un souhait légitime. Ce que nous sommes en train de faire en terme de restructurationdu système bancaire, en terme d'amélioration de la qualité de service, de mise à niveau du système d'information, de modernisation de la législation du système bancaire, ce que nous avons fait concernant le code des services financiers à des non résidents, l'investissement matériel pour le pôle financier qu'on est en train de réaliser grâce à des capitaux étrangers, tout cela devrait concourir quelque part à ce que la Tunisie devienne une plateforme financière régionale. Une plateforme de services complets pour des banques internationales, off shore régionales et internationales qui interviennent au niveau de tout les marchés sans restriction aucune. Le code est résolu à donner cette possibilité, nous voulons être un hub qui puisse offrir une panoplie de services diversifiés. Les banques anglaises sont très présentes sur le marché financier international, tout ce qui est back office à londrès est très couteux, pour elles, s'installer en Tunisie à 2heures de vol avec des moyens technologiques de premièr ordre serait l'occasion d'attirer des investisseurs avec une ouverture sur le marché local et une ouverture sur les marchés de la région, la Lybie l'Algérie. Il faut juste leur offrir les commodités physiques matérielles, logistiques, législatives et commerciales, ce à quoi nous nous attelons. Dans un deuxième temps, nous avons besoins de faire connaitre ce projet à toutes les institutions financières internationales et les démarcher pour qu'elles aient à l'esprit, la place de Tunis et qu'elles s'y installent. La qualité des services bancaires reste approximative Il est vrai que nos attentes sont énormes par rapport à la qualité des services. Mais à partir des années 90, nous avions fait des choix. Qualité de service ou solvabilité. C'est la solvabilité des banques que nous avons choisi, assainir le portefeuille, restructurer, chercher la transparence améliorer le rendement, renforcer la capacité financière des banques A la fin des années 90, nous avons fait des efforts énormes pour améliorer le système bancaire, nous avons commencé à nous attaquer à la qualité de service. Nous avons commencé à sensibiliser les banques à l'importance de la qualité de service qui est un argument commercial. Il est évident que nous ne pouvons pas légiférer, nous avons opté pour le libéralisme. Mais nous avons essayé de communiquer, d'orienter et nous avons fini en 2006 par mettre en exergue une partie de la réglementation qui est réservée à la qualité de service, l'exigence de convention de compte, les délais, Le médiateur et l'observatoire, cela tourne autour de la qualité de service. Toutes ces mesures contribuent à améliorer la qualité du service bancaire. Nous sommes un pays très ouvert et nous recevons des touristes chez nous. Nous exigeons une qualité de service qui soit la plus proche possible des standards internationaux. L'e-banking n'est pas très développé dans notre pays, serait-ce en rapport avec les systèmes d'information ? Le e-banking en mettant en place une plateforme indépendante du système d'information. Certaines banques l'ont fait mais il est vrai par ailleurs qu'un système d'information performant aide beaucoup pour une plus grande compétitivité et donne de la plus value pour améliorer les prestations au sein de nos banques, offrir de nouvelles perspectives commerciales et nouvelles perspectives de marchés. Les produits monétiques tels les cartes ne sont pas, à ce jour, utilisé comme moyen de paiement dans notre pays, comment expliquez-vous cela ? La carte est un support extraordinaire pour multiplier les produits bancaires au profit des clients. Statistiquement, nous sommes à plus de 2 millions cartes qui ne sont pas vraiment utilisées pour des fins commerciales. C'est une culture et cela viendra. Plus de 2 millions de cartes en Tunisie est un chiffre honorable. En Belgique il y a 10 millions de cartes pour 10 millions d'habitants, au Portugal également, en France 70 millions de compte pour 70millions d'habitants, Ils ont commencé à avoir la carte depuis les années 60. En Tunisie la monétique a connu un grand développement depuis les années 90. Le Salon de la Monétique et des Services financiers pourrait-il, selon vous, participer à rehausser la qualité des services bancaires ? Bien évidemment. Le salon de la monétique est une vitrine de toutes les innovations en matière de services et de produits bancaires, c'est un rendez-vous attendu par tout le secteur mais il représente aussi une occasion pour que le secteur bancaire soit ouvert sur son environnement et non pas renfermé sur lui-même.