L'administration tunisienne publie, chaque année, une série de rapports sur la situation économique dans le pays. Pour ne citer que les plus connus : le rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie (BCT), le rapport de la Cour des comptes, le rapport du Conseil du Marché financier (CMF), le rapport du Conseil Economique et Social(CES), le rapport annuel du Conseil supérieur du développement, et bien sûr les incontournables documents du budget de l'Etat : le budget général, le budget économique et la loi de finances . Moult documents qui devraient, en principe, nous éclairer sur le bon ou le mauvais comportement des branches d'activités économiques. Ils constituent, du reste, pour les chancelleries et les investisseurs étrangers de précieux supports d'information sur l'état des lieux, l'évolution et les tendances de l'économie du pays. D'où tout l'enjeu, hautement stratégique, de veiller à ce que les données publiées dans ces rapports soient les plus complètes possibles, les plus précises possibles, les plus utiles possibles. Néanmoins, une lecture attentive de ces documents qui nécessitent, pour leur confection, la mobilisation, durant toute l'année, d'importantes équipes de travail, révèle leur inconsistance et inanité, voire parfois leur inutilité. Et pour cause. Ils ne comportent pas d'informations d'aide à la décision. Pour en trouver, il faut désormais recourir à des sites électroniques plus avertis ou s'abonner à des supports confidentiels étrangers. Ces rapports administratifs, qui pèchent par leur criarde positivité, par leur penchant pour la généralité et par leur publication tardive, se ressemblent et se répètent, lorsqu'ils ne se contredisent pas. La valse des taux et des chiffres est le sport favori de ces documents. Le taux de croissance, tout comme le nombre des emplois créés, par exemple, varient d'un département à un autre. A titre indicatif, à aucun moment ces documents n'évoquent, de manière précise, comment le taux de croissance annuel du PIB a été réalisé. Ils font abstraction des catégories sociales, des régions et des groupes économiques qui ont contribué à sa réalisation Les responsables de ces documents ont été interpellés, lors du récent débat budgétaire, par des députés et sénateurs. Ces derniers ont réclamé de plus amples éclairages et précisions sur des questions majeures telles que la concentration des richesses, la ventilation de la dette du pays, la dépréciation de notre devise nationale, le glissement du dinar par rapport au dollar et à l'euro. Pour le commun des mortels, c'est une grande frustration de ne pas savoir que l'euro, qui s'échangeait en 2001 contre 1,200 dinar, s'échange de nos jours à deux dinars. C'est aussi une grande frustration de ne pas trouver dans ces rapports pour combien la Tunisie achète le baril de pétrole à l'étranger, pour combien elle importe en matière de textile et de tourisme. Ces rapports se contentent de publier les recettes à l'exportation de ces deux filières alors qu'à notre connaissance, elles en importent pour autant en devises. Autres questions que ces rapports n'en parlent jamais : le monde des affaires, les marchés publics, la concurrence et la transparence. Quel mal y a-t-il de savoir par exemple que des groupes français comme Carrefour (distribution) en 2009 et Camaïeu en 2006 ont perdu leurs procès pour rupture de contrats abusive avec des sous-traitants tunisiens ? S'agissant de la transparence, le rapport du Conseil du marché financier est un chef-d'uvre d'opacité. Il ne donne aucune information ni sur l'identité, ni sur le profil, ni sur les propriétaires des entreprises qui ont failli à leur devoir et obligation de publier des informations exactes sur leur santé économique et états financiers. Il se contente de rappeler, de manière vague, que telle entreprise a omis de fournir telle information. Telle autre n'a pas présenté à temps son rapport d'activité. C'est pour dire qu'il y a urgence d'améliorer la qualité de ces documents, de les enrichir et d'en faire de véritables outils d'aide à la décision. L'objectif est de disposer d'une information exhaustive, précise et actualisée sur l'évolution des différents secteurs économiques du pays. L'enjeu est de taille d'autant plus que la crise financière et économique de 2008 a révélé, plus que jamais, les limites des informations indicatives et des statistiques quantitatives.