La nouvelle législation dont la «Lettre de Tunisie» de la Mission économique française-Ubifrance s'en est fait écho, s'applique particulièrement aux filières textile-habillement, maroquinerie et chaussures. Applicable à partir du 1er octobre 2010, le nouveau texte «met en place un système d'étiquetage d'origine obligatoire des produits finis et intermédiaires qui doivent être commercialisés en Italie». Le «made in Italy» ne sera autorisé que pour les seuls produits finis dont au moins deux des quatre étapes de fabrication (filature, tissage, teinture, ennoblissement confection) auront lieu en Italie et dont il sera possible de vérifier la traçabilité des autres phases. Pour en mesurer concrètement l'impact, un maillot de bain conçu par un designer italien et fabriqué avec un tissu italien en Tunisie ne sera plus marqué «made in Italy» mais «made in Tunisia». Les produits qui ne rempliront pas ces conditions prévues par la nouvelle législation tunisienne devront indiquer le pays de provenance. Impact du made in Cette loi est un coup dur pour les sociétés off shore italiennes et européennes qui opèrent dans le textile en Tunisie. Et pour cause, ce règlement, pour peu qu'il soit appliqué, peut avoir des effets négatifs pour les nombreux industriels européens, détenteurs de marque et ayant développé des stratégies de partenariat avec la rive sud de la Méditerranée, c'est-à-dire la quasi totalité des entreprises européennes du secteur textile-habillement. Cette disposition risque de compromettre les implantations en Tunisie de griffes célèbres telles qu'Aubade, Lacoste, Benetton, et autres . Idem pour les centrales d'achat et hypermarchés qui s'approvisionnent en produits textiles dans les pays du sud de la Méditerranée en produits textiles à des prix compétitifs avant de leur greffer leurs enseignes. Ces géants de la grande distribution risquent également d'être lésés. Il faut dire que l'avènement de cette nouvelle législation aux relents protectionnistes n'a jamais été une surprise. L'Italie l'appliquait de fait. En témoigne l'affaire du textilien italien Renzo Guazzini qui a été présenté, début avril 2008, à la justice pour avoir apposé sur des vêtements d'hommes, réalisés par des stylistes-modélistes italiens, mais confectionnés en Tunisie, l'étiquette «made in Italy». C'est la garde de finance qui l'a non seulement dénoncé mais osé saisir la marchandise importée de Tunisie. Un juge averti de Livourne (région de Toscane) l'a toutefois acquitté, estimant qu'il était suffisant que le tissu et le modèle soient italiens pour pouvoir apposer l'étiquette «made in Italy». Le made in, pourquoi ? Pour mémoire, ce projet de règlement concerne, entre autres produits, les vêtements et les matières textiles importés de pays tiers, à l'exception des marchandises originaires du territoire des communautés européennes, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Turquie et des parties contractantes et des parties contractantes de l'accord de l'Espace économique Européen (Islande, Norvège, Liechtenstein). A travers ce règlement, les initiateurs européens de ce règlement se cachent derrière de «faux nobles principes». Ils entendent s'assurer de la bonne qualité du produit, de sa non-fabrication par des enfants ou des travailleurs forcés, de son respect des normes environnementales et de son non dangerosité. Il s'agit également pour l'Union européenne d'aligner sa législation de l'origine sur celle des pays (comme les Etats-Unis, le Canada) et de lutter contre les fausses origines et la contrefaçon. Les opposants à ce règlement sont pour la plupart des associés de l'UE au sud de la Méditerranée (pays du Maghreb entre autres). Dans la déclaration de Tunis (avril 2007), ces pays jugent ce règlement «inopportun» et estiment qu'outre les surcoûts qu'il générerait, il ne manquerait pas, une fois adopté, de pénaliser et de discriminer le Maroc et la Tunisie, de porter un coup dur à la solidarité euroméditerranéenne et de doper la compétitivité de pays concurrents qui en seront exonérés (Turquie, Roumanie, Bulgarie .). Pour contourner le made in européenne, la Tunisie a plaidé en vain pour un «made in euromed». Ce règlement régional, pour peu qu'il soit institué, a pour avantage de protéger toute la zone des importations sud-est asiatiques et de consacrer dans les faits la solidarité entre les rives sud et nord de la Méditerranée. Le made in euromed demeure toujours une alternative crédible pour peu que les Européens y croient ou veulent le croire.