Par Soufiane Ben Farhat La politique, toute politique, requiert une vision et des programmes. Autrement, on navigue à vue. Le chef du gouvernement, M. Habib Essid, gagnerait à s'y appliquer. Une année presque après son investiture, il administre la preuve par l'absurde que son escarcelle est plutôt vide. Témoin, son discours ces deux jours au Parlement. Habib Essid patine, Habib Essid piétine, fait du surplace, se contorsionne, s'entortille. Rien n'y fait. Il laisse une amère impression de vacuité. Il ne convainc point. Y compris et surtout dans son propre camp. La coalition gouvernementale en est toujours à la case départ. Tout au plus nous propose-t-on des dizaines de milliers d'emplois nouveaux... dans les grandes surfaces. Les grandes réformes de structures, les grands chantiers tant annoncés se réduisent à des professions de foi réitérées ad nauseum. Des projets dont l'exécution est sans cesse renvoyée aux calendes grecques. Et puis il y a ce plan de développement économique et social en gestation. Il se fait attendre, lui aussi. Et même s'il est bien ficelé, ça ne saurait suffire à lui seul. L'oublierait-on d'aventure ? Nous sommes dans une économie qui s'inscrit dans une perspective libérale et sociale. On n'est pas dans une démocratie populaire façon Indochine d'il y a trente ou quarante ans. Les plans, si bien ficelés soient-ils, sont indicatifs. Et une économie qui repose principalement sur le plan est une économie où il y a un surinvestissement de l'Etat. Ce qui pourrait correspondre à une faiblesse du secteur privé. Et les petites et moyennes entreprises ? Aucune vision d'ensemble n'est consacrée aux PME. Pourtant, elles sont la clé de voûte de toute relance génératrice d'emplois. C'est même une espèce de vecteur obligé. N'empêche, elles ne comptent guère dans l'approche floue et en fantasque du gouvernement Essid. Au risque de se répéter, on ne dira jamais assez que la Tunisie a besoin, ici et maintenant, d'économie politique. C'est-à-dire d'un modèle de société traduisant des choix prioritaires et une démarche rigoureuse. Et le plus tôt sera le mieux. L'actuelle coalition gouvernementale est davantage soucieuse de répartition de sièges, dignités et privilèges que de relance réelle et effective. Le système de la partitocratie à l'italienne sévit. Et les prochaines élections municipales, prévues dans quelques mois, donnent lieu déjà à une mêlée non déclarée mais âpre et sans pardon. Le système dans son ensemble est grippé. La présidence de la République, aux prérogatives constitutionnelles limitées, joue les premiers violons dans le concert politique. Le présidentialisme de fait dame le pion au parlementarisme formel. Du coup, la présidence du gouvernement se retrouve amoindrie au niveau de sa marge de manœuvre. Habib Essid n'est au bout du compte que LE premier des ministres. Idem du Parlement, réduit à une caisse de résonance des passes d'armes politico-politiciennes. Bref, pour gouverner et mener à terme une reforme économique aux retombées sociales, il faut avoir les moyens de sa politique. Habib Essid n'en a pas. Les autres pouvoirs se télescopent et se neutralisent à travers le mélange des genres. D'où cette impression d'hésitation et d'inachevé caractérisant l'actuel cabinet aux commandes de l'Etat. Un gouvernement en pointillé, ça existe aussi. Le gouvernement Essid l'a inventé.