Par M'hamed JAIBI La récente interview accordée par le président Caïd Essebsi à La Presse a marqué une évidente accélération dans l'agencement d'un après-Nida que personne n'ose officiellement assumer. Le chef de l'Etat, sans aller jusqu'à renier son parti, impute à ceux qui l'ont quitté ou quitté son groupe parlementaire l'entière responsabilité de son affaiblissement, avant de se lancer dans une réflexion à haute voix sur les perspectives possibles. Or aucun des candidats au leadership de Nida Tounès ne lui sied. Comme il ne voit pas, non plus, qui mériterait de diriger le pays après lui. La tête et les jambes Le spectacle du désarroi que vit le «premier parti» est éloquent. C'est désormais un parti qui, après s'être coupé de ses bases, n'a plus de direction crédible à brandir. Subdivisé en morceaux disparates, il aborde désormais un tournant de la dernière chance, avec un comité directeur issu d'un «congrès» que fort peu de gens reconnaissent et qui met en façade un nouveau chef dont la présidence vient de se défaire, et avec au moins quatre attitudes parmi la grande masse de ses militants : ceux qui soutiennent la «direction» issue de Sousse, ceux qui ont «quitté» le parti mais qui attendent ce que va faire Mohsen Marzouk, ceux qui ne se considèrent plus concernés par un mouvement «qui a trahi ses engagements» et ceux qui veulent ressouder les morceaux. La pétition de la dernière chance Ces derniers viennent de lancer une campagne de signatures parmi les membres du «bureau exécutif légitime» en vue d'engager des négociations de réunification «sans exclusive», mais souhaitent ne plus avoir affaire à une quelconque «mainmise sur le parti». En tête du groupe, on note des ministres nidaïstes mécontents, des députés des deux groupes parlementaires et les membres démissionnaires de la Commission économique et sociale. Si Nida s'avérait «défaillant» Mais d'autres initiatives se profilent en coulisse. Comme celle qu'on impute au président de la République, consistant en un recours éventuel au parti Al Moubadara et au groupe de Mondher Zenaïdi en cas, dit-on, de «défaillance de Nida». Sachant qu'au même moment, Mohsen Marzouk temporise et multiplie ses appels à divers destouriens : Mondher Zenaïdi, Mustapha Kamel Nabli... Les noms de divers destouriens ou Rcdistes reviennent et se téléscopent dans mille et une configurations possibles qui émergent au détour d'une esquisse avant de sombrer dans le dédale des calculs politiciens et l'enchevêtrement des ego inconciliables. L'intérêt national attend ses serviteurs Reste en retrait l'intérêt national, celui-là même qui avait conduit Béji Caïd Essebsi à lancer son «Appel de la Tunisie» et qui avait motivé le vaste rassemblant ayant fait Nida Tounès pour échapper au projet islamiste totalitaire. Aujourd'hui, alors que les nahdhaouis jouent la carte de la modération et de la République civile et qu'ils se dressent contre le danger du terrorisme takfiriste, la colonne vertébrale du nouvel échiquier politique est prise dans le tourbillon de l'autodestruction. Seul un miracle pourrait sauver le pays d'une telle nouvelle catastrophe, mais la nature a horreur du vide et les Tunisiens sont vigilants.