«Le retour aux casernes» n'a pas fait que des contents, à cause de la persistance des menaces terroristes... Le président provisoire de la République vient, comme on le sait, de promulguer un décret ordonnant la levée de l'état d'urgence sur tout le territoire du pays. Depuis l'entrée, mercredi dernier, en vigueur de ce décret, nos rues sont à l'heure du «désarmement»: plus de soldats le doigt sur la gâchette, plus de camions verts sillonnant les artères des villes, bref plus d'omniprésence militaire jusqu'ici imposante depuis un certain 14 janvier 2011. Est-ce à dire que «ça y est, la paix se réinstalle enfin», que «l'ordre est définitivement rétabli» et que «le terrorisme n'est plus qu'un mauvais souvenir» ? On est tenté de répondre par «oui», rien qu'en se référant au communiqué officiel du Palais de Carthage dont le contenu trahit la conviction d'un retour à la normale. Or, à bien y voir, la décision du locataire du palais n'a pas fait que des contents. En effet, autant il a fait la joie du ministère de la Défense où l'on persiste à marteler que «l'armée n'est pas faite pour les rues mais plutôt pour la défense du territoire et la préservation de l'inviolabilité des frontières», autant il a suscité l'inquiétude de certains. «Une police submergée et saturée comme la nôtre a encore impérieusement besoin de l'apport de l'armée», se défend un agent de la Garde nationale qui impute cela à la persistance des menaces terroristes. «En se désengageant de la sorte, déplore un haut cadre sécuritaire, nos soldats vont nous condamner à des charges supplémentaires qui pourraient influer négativement sur les opérations de traque des terroristes». Du coup, se pose le dilemme suivant: faut-il concentrer les efforts des forces de sécurité intérieure sur la surveillance des ambassades et édifices publics au détriment des descentes, jusque-là presque quotidiennes et efficaces, dans les fiefs des jihadistes ? Pour un ex-poids lourd de l'appareil sécuritaire, aujourd'hui à la retraite, «stratégiquement, la décision de la levée de l'état urgence est grave, dans la mesure où l'on compte encore dans nos murs des cellules dormantes d'Ansar Echaria, de dangereux terroristes en cavale, une circulation des armes pas encore totalement maîtrisée, une bataille de Jebel Chaâmbi qui s'éternise et enfin des menaces de mort de plus en plus fréquentes à l'adresse de nos agents sécuritaires. C'est pourquoi, je suis persuadé qu'ordonner le retour aux casernes de notre armée est une décision hâtive et (je ne l'espère pas) lourde de conséquences». Entre-temps, rien ne prouve que nos soldats ne réapparaissent un jour sur la voie publique. D'abord, parce que la levée de l'état d'urgence ne restreindra pas, selon ledit décret présidentiel, la demande d'aide aux militaires en cas de besoin. Ensuite, parce que le paysage politique n'a pratiquement rien perdu de son côté obscur. Et enfin parce que les terroristes n'ont pas encore dit leur dernier mot. Reste à espérer que la levée de l'état d'urgence sera mise à profit pour permettre à l'armée de booster ses opérations de quadrillage et de surveillance de nos frontières qui restent le terrain d'action préféré pour les groupes terroristes et les cartels de contrebande.