Les colonnes islamo-fascistes de l'ordre noir qui promettent une longue nuit sanguinaire sont battues en brèche La tournée de Mehdi Jomâa, chef du gouvernement, dans les pays du Golfe sur fond de nouvelles évolutions géostratégiques. Simple hasard ? Difficile d'y souscrire. En tout état de cause, interrogé hier par le journal saoudien Erriadh, Mehdi Jomâa s'est ouvertement déclaré solidaire et en harmonie avec la position saoudienne, considérant désormais les Frères musulmans comme organisation terroriste. Il a renchéri en fustigeant «les hors-la-loi» et en déclarant sans ambages : «Nous sommes d'accord avec nos frères du Golfe sur ce point». La donne géostratégique change sous les cieux du monde arabe. Un monde arabe déchiqueté, épars, pliant sous le joug des infamies, croulant, menaçant ruine. Partout, la mise au pas externe, la guerre civile, les ténèbres, le fanatisme et l'intolérance, les démons de la partition, le cauchemar. Nous en savons quelque chose pour avoir été les précurseurs dudit printemps arabe. Un printemps qui n'en est pas un. Et non point seulement ici et maintenant. Des forces obscures, ténébreuses, rétrogrades et fascistes l'ont accaparé. En Irak, en Syrie, au Liban, en Egypte, au Yémen, en Libye, en Tunisie et ailleurs, les grands saigneurs sont à l'œuvre. Les colonnes islamo-fascistes de l'ordre noir promettent une longue nuit sanguinaire. La modernité, le progrès, la tolérance sont battus en brèche. Quelques émirs se sont avisés de mener le triste bal. Alliés des Américains, leurs protégés militairement parlant de surcroît, ils entretiennent les troupes d'Al Qaïda déchaînées sur plusieurs fronts. Les pétrodollars des finances islamiques du Golfe alimentent les groupuscules qui sèment la désolation et la mort à tout vent. En Syrie, on pousse chaque jour davantage les limites de l'horreur. Au nom de l'Islam. Et moyennant l'appui des Américains, de la France, de l'Allemagne, de la Turquie, d'Israël, du Qatar, de l'Arabie Saoudite. Jusqu'à ce que les protagonistes changent de fusil d'épaule. Et que la folie meurtrière menace l'enceinte même de la coalition antisyrienne. N'en pouvant plus guère, certains pays du Golfe se sont ressaisis. Le Qatar est désormais pris à partie par ses pairs de la région. L'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn avaient rappelé, le 5 mars, leurs ambassadeurs à Doha. Ils accusent le Qatar d'interférer dans leurs affaires intérieures moyennant le soutien aux islamistes. Quelques jours plus tard, intervenait la décision saoudienne considérant les Frères musulmans en général et les islamistes opérant en Syrie comme des organisations terroristes. La position affichée par le nouveau chef du gouvernement dépasse les simples courtoisies diplomatiques. Elle s'inscrit de plain-pied dans les sinuosités de la politique interne. Ennahdha et certains de ses alliés sont partie intégrante des Frères musulmans. C'est l'évidence même. Ils fustigent d'ailleurs ouvertement tant la politique officielle égyptienne que les positions saoudiennes à l'endroit des Frères musulmans. Au Golfe, en Syrie, en Egypte, au Soudan et en Tunisie, la confrérie des Frères musulmans et apparentés est dans la tourmente. Il lui sera difficile de s'en relever indemne, et encore moins à brève échéance. Les conséquences immédiates de l'attitude du chef du gouvernement sont escomptées dans les heures qui viennent. Rappelons-nous. Mehdi Jomâa avait été choisi en vertu d'un consensus. Ennahdha y avait joué les premiers violons, le défendant bec et ongles, alors que l'opposition s'en méfiait ouvertement. Aujourd'hui, il recueille davantage le suffrage des partis démocratiques. Ennahdha et ses alliés, en revanche, s'y opposent par divers moyens et procédés. En franchissant le Rubicon, Mehdi Jomâa scelle son destin. Certains y voient volontiers un Sissi endimanché. Ses attitudes sont moins spectaculaires que celles du général égyptien aux commandes du pays du Nil. Mais il semble aussi engagé en faveur de la préservation de la République civile et de la société plurielle et pluraliste. Souvenons-nous. Al Sissi avait, lui aussi, été choisi par les Frères musulmans en tant que ministre de la Défense et chef des armées. L'histoire a décidément de ces grimaces !