D'aucuns estimaient que Nicolas Sarkozy alors candidat à la présidentielle française allait vers sa perte en évoquant parmi d'autres sujets de campagne la question de l'identité nationale. Au départ le candidat UMP penchait pour une identité républicaine plutôt que nationale avant que le choix définitif ne soit fixé pour aboutir après l'élection à la création du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Décrié de partout ce ministère résista qui est sa raison d'être. Un quota d'expulsés parmi les immigrés qui n'étaient pas en règle fut établi par le ministre nommé à ce poste. Le problème de l'immigré est brutalement sorti du cadre de l'humain à celui de la froide et cynique comptabilité. Des milliers d'indésirables furent ainsi éjectés hors du territoire français, embarqués le plus souvent vers leurs pays d'origine dans des conditions qui ne font nullement honneur au pays des " Droits de l'Homme ". Pour le ministre de l'époque, seuls les chiffres comptent. Mais ce dernier en est resté là sans franchir le pas pour ouvrir le débat tant souhaité par une bonne partie de la majorité au pouvoir en France et à leur tête le Président de la République qui trouva en la personne du transfuge Eric Besson, ancien du PS, le profil indiqué pour ouvrir ce qu'est devenue la boîte de pandore d'où ont surgi les vieux démons d'une xénophobie que la crise économique n'a fait qu'exacerber. L'ouverture de ce débat sur l'identité nationale et le moment choisi pour l'annoncer n'ont pas manqué de susciter des interrogations quant à son utilité sur le présent et l'avenir de ce pays. Pour beaucoup, le choix du moment ne peut être dissocié de l'échéance des régionales du mois de mars prochain et que la droite redoute pour des raisons bien évidentes au vu de la situation économique du pays et des tensions sociales qui le secouent. Sa coïncidence n'est nullement fortuite pour une opposition de gauche désarçonnée et mise à mal dans sa stratégie par un président passé maître dans le jeu de la diversion.
Choix ou coïncidence ? Tout laisse croire que tout a été calculé. De la nomination d'Eric Besson à la tête du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale du passage de son prédécesseur Brice Hortefeux à l'Intérieur et du choix du moment on devine aisément que le coup était bien médité pour plus d'impact dans un pays où le débat politique est loin de susciter l'intérêt d'une population dont les soucis sont ailleurs et qui ne cache plus ses ressentiments voire un certain dégoût devant le lynchage auquel se livre la classe politique soutenue par son président, le ministre Besson ne recule devant rien pour imposer ce débat avec zèle qui lui est propre et un zeste de provocation qui agacent même dans les rangs de la majorité de droite. Mais une telle opportunité ne se présente pas tous les jours avec les régionales qui profilent à l'horizon et cette crainte obsessionnelle de la classe politique française de voir l'extrême droite s'emparer d'un sujet qui en dépit de toute considération d'ordre moral plaît à une frange de plus en plus large de ceux qui se considèrent comme étant des Français de souche et qui voient dans l'étranger une menace pour leur bien-être et une certaine idée qu'ils se font de leur pays. Dans le voisinage, aussi un certain populisme gagne du terrain et se fait entendre au-delà des frontières le plus souvent avec fracas et à coup de publicité qui vouent aux gémonies ces " malfamés " qui viennent d'ailleurs pour souvent s'imposer et imposer leur manière de vivre. Le dernier exemple en date et que beaucoup en prennent pour référence est sans doute la Suisse où le référendum sur l'interdiction des minarets semble séduire et faire des émules. Le président français lui-même s'est montré indulgent envers cette Suisse qu'il n'a de cesse de décrier pour être l'un des paradis fiscaux les plus opaques de la planète. Il est par ailleurs intéressant de rappeler que Nicolas Sarkozy ne s'est jamais caché de faire sienne l'idée de Benoît XVI de faire référence dans la constitution européenne des origines chrétiennes du Continent. Discours certes dangereux, mais il faut le situer dans son contexte pour essayer de percer les vraies raisons qui ont conduit à une telle situation empreinte d'amalgames et souvent de préjugés. Le débat sur l'identité nationale en France témoigne d'un malaise grandissant au sein d'une société qui se veut multiraciale et multiculturelle, mais qui n'arrive pas à digérer la différence. Et c'est peut-être à ce niveau que réside le nœud du problème qui mérite une approche outre que celle prônée par les pouvoirs publics en France et notamment loin de cette psychose de peur sciemment entretenue pour orienter les débats dans un sens qui ne sied nullement avec les principes démocratiques qui sont l'essence même d'une République qui se veut l'exemple de la tolérance. Clément Pascal, ancien ministre de la Justice et député actuel qui venait de déclarer : " Le jour où il y aura autant de minarets que de cathédrales en France, ce ne sera plus la France ", fait vraiment craindre les pires dérapages à un moment où il est plutôt question de faire preuve de sagesse et de bon sens.