Ce n'est pas parce que la Tunisie a déclenché le « Printemps arabe » qu'elle doit, forcément, rendre la politesse à l'Egypte, en adoptant ce que l'Armée néo-nasserienne appelle la « deuxième révolution ». Que veut-on qu'il se produise dans notre pays ? La monstrueuse tuerie d'hier, au Caire ? Le scénario apocalyptique d'une guerre civile ? Une armée qui vole sa Révolution au peuple ? Sans doute, a-t-on beaucoup discuté sur le show télévisé de Rachid Ammar et l'on en a vite conclu qu'il aurait été noyauté par le pouvoir parce qu'il aurait été tenté par un petit « coup militaire ». Pourquoi « petit coup » ? Parce que, dans tous les cas de figure, l'armée tunisienne n'en a pas les moyens. Cela ne veut pas dire, cependant, que sa loyauté envers les institutions républicaines vient de ses insuffisances d'ordre humain et logistique. Ce qui est inquiétant, c'est que la fascination pour le coup d'Etat militaire égyptien (c'en est un) ait, tout d'un coup, l'air de se mouvoir dans l'esprit de bon nombre de nos concitoyens, en une nouvelle Révolution civile. Refuge fantasmé ? Exutoire ? Purgation des passions. Ou, alors, revanche sur Ennahdha ? Justement, c'est là le nœud gordien. Il est des composantes de la Société civile et, même des partis de l'opposition, qui ont applaudi au renversement de Morsi et des « Frères Musulmans ». Tout se fait, néanmoins, par ricochet : c'est plutôt à Ennahdha qu'on pense par la seule corrélation islamiste. Il y a, en effet, une part de diabolisation dans cette translation. Or, il existe, quand même, une sacrée différence entre les « Frères » et les Nahdhaouis. Les « Frères Musulmans », dont le mouvement a été fondé en 1928, par Mohamed Abdou, tire sa légitimité d'un radicalisme outrancier avec Hassen Al Banna, puis Saïd Kotb. Ennahdha, elle, c'est tout récent. En tous les cas, elle n'a pas l'historique des « Frères Musulmans ». Le parallèle ne tient, donc, pas. Oui, Ennahdha a beaucoup titubé dans son mode de gouvernance. Elle est en train de brasser large, surtout qu'elle maîtrise, aujourd'hui, l'appareil administratif. Il y a eu, entre temps, une grande poussée des partis libéraux et laïcs et de la société civile tout autant, d'ailleurs, que celle des salafistes et des Ligues de protection de la Révolution. Nous nous attendons, d'ailleurs, à ce que Rached Ghannouchi et les siens se démarquent de ces deux mouvances guerrières. Mais, nous n'avons guère besoin du mode d'emploi égyptien pour faire le ménage chez nous. Attendons, sagement la rédaction de la Constitution et le verdict des urnes… Plutôt que d'invoquer l'apocalypse !