Au risque de déplaire à certains et de délier certaines langues, j'avoue trouver Lotfi Zitoun un vrai personnage médiatique, indépendamment de mon avis sur sa stratégie et son contenu de communication ! A preuve toutes les polémiques qu'il suscite, tous les débats qu'il provoque et toute la dynamique de communication qu'il crée autour de sa personne, de ses propos, de sa mission et même de plusieurs suspicions que d'aucuns auraient à son égard. Je m'étonne alors que quelques-uns le comparent à AA, un agent d'ombre trop connu par la manipulation sous cape, d'une troupe de soldats dont certains sont dévoués à sa personne et d'autres disciplinés aux obligations de la profession. Au contraire, Lotfi Zitoun est un homme du show médiatique, « de terrain », préciserait-on d'un côté de l'appréciation. Dernièrement encore, le show est monté autour de lui par un autre vrai professionnel de la communication « qui fait plus qu'il ne gueule parce qu'il fait quand il gueule », en l'occurrence Nizar Bahloul qui semble chercher à ne pas enfoncer des portes ouvertes en matière de communication ni à chercher noise pour le seul plaisir de polémiquer, dénigrer ou carrément insulter, et qui n'hésite pas à se lancer dans le journalisme d'investigation qui n'est certes pas de tradition chez nous et qui a, lui aussi, ses hauts et ses bas quand on s'y lance sur terrain encore glissant. Finalement, la rencontre de ces deux personnages médiatiques sur le même ring (ou le même terrain ou le même cours, selon le sport que vous voulez prendre pour la métaphore) a donné lieu à ce match sulfureux qui a pour nom « Zitouna TV ». Sur la place publique, avec ses différentes manifestations surtout médiatiques, la question brûlante a donc été « il a » ou « il n'a pas ». Il, c'est évidemment Lotfi Zitoun et l'objet, c'est une télévision. Il faut reconnaître que l'expression plaide pour l'affirmative : ZitounaTv = Zitoun a TV. D'ailleurs lui-même a fini par avouer avoir fondé une société ayant un tel nom pour titre et une telle chaîne pour objet. Du coup, c'est la nouvelle question : En a-t-il le droit ? Dans l'absolu, rien n'interdit à un homme politique d'avoir une chaîne TV et encore moins de posséder une société d'un quelconque objet et de saine pratique commerciale. Sauf que chez nous, depuis un certain 14 janvier 2011, le droit, on en fait ce que semble à ceux qui en usent, sans nulle précaution de finir par en abuser. Cela arrive quand on fait « du deux poids deux mesures », quand on dit de faire quelque chose pour en faire le contraire, quand on appelle à la transparence et qu'on ne dit pas tout sur ce qui nous engage en tant que responsable, quand on accuse autrui de certains torts pour essayer de camoufler ses torts propres, quand on se plaint de toutes les misères du monde pour se dévoiler finalement dans les meilleurs draps de la manipulation et du financement intérieurs ou extérieurs ! Quand et quand et quand ? La liste est longue et elle n'épargnera peut-être personne à la fin, de ceux qui crient et de ceux qui sont décriés, de ceux qui veulent passer pour des saints et de ceux qu'on veut prendre pour des diables ! Du coup, c'est la confusion et la cacophonie ; on n'en sort plus et c'est le risque d'éclatement de la société. En fait, le vrai débat est ailleurs. Il n'est pas dans ce qu'on entend chanter à tout bout de champ des sornettes qui résonnent comme des « ôte-toi que je m'y mette » ou de ces harangues vengeresses d'une médiocrité qui chercherait à s'imposer, contre toute logique du bon sens. Il est plutôt dans l'empire à instaurer d'une nouvelle rationalité sereine et juste, soucieuse de vérité certes mais plus soucieuse d'humanité, donnant au droit le sens de l'équité et non celui de la parité, donnant au devoir le sens de la citoyenneté avant celui de la contrariété. C'est alors, quand on aura compris ces enjeux, au-delà de tous les jeux de basse besogne que, pour revenir aux médias, on saura définir les droits et les devoirs de chacun ; on saura ainsi ce qu'est une responsabilité dans les médias et on discernera la part et le champ d'intervention de chacun, sans malentendus et sans confusion des rôles et on pourra de ce fait se vanter d'être sur le bon chemin de la démocratie et des sociétés civilisées, celles du respect et de la dignité qui sont les fondements de toute liberté. Finalement, Zitoun ou pas, ce qui nous manque, c'est une vraie intelligence et une vraie éthique des médias. Et ce n'est pas chose facile, car c'est la tâche et la décision consensuelles de toute une société (comme c'est le cas pour la Constitution), sans aucune procuration auto-octroyée pour quiconque et sans aucun privilège du dernier mot pour qui que ce soit. L'avenir nous dira bientôt jusqu'à quel point la société tunisienne pourra se hisser à ce niveau de responsabilité pour savoir convenablement engager son destin