La Une du journal arabophone Al Chourouk a indiqué, vendredi 21 août 2020, avoir dévoilé une machination pour assassiner le président de la République Kaïs Saïed en empoisonnant le pain destiné à Carthage. Le scénario était, dès lors, sur toutes les lèvres alimentant encore plus le climat conspirationniste. C'est un scénario de film à suspense que les Tunisiens ont découvert avant-hier, à travers le journal arabophone Al Chourouk. Un employé d'une boulangerie au Lac 2, avoue aux unités de sécurité qu'un homme d'affaires l'a entrainé dans plan d'assassinat visant le chef de l'Etat. L'homme d'affaires lui aurait avancé 20 mille dinars pour qu'il empoisonne la pâte réservée à la fabrication du pain destiné à la consommation de la présidence de la République. Néanmoins, l'affaire a été catégoriquement démentie par la présidence de la République. «Selon les investigations entreprises, il s'agit de fausses informations », a-t-on assuré du côté de Carthage.
Or, le responsable de l'unité d'information et de communication et substitut du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis, Mohsen Dali, n'a pas nié l'affaire même s'il a mis en doute le « sérieux » du complot visant le chef de l'Etat. Il a assuré que l'unité de la police scientifique aux Berges du Lac avait entamé une enquête suite à un rapport réalisé sur la base d'informations fournies par un individu qui a affirmé avoir été approché pour mettre du poison dans le pain de la boulangerie dans laquelle il travaille et qui fournit le palais présidentiel. L'enquête a donc révélé que « les informations ne sont pas sérieuses » mais le ministère public a quand même ordonné la poursuite des investigations pour un complément d'informations.
La réponse de Kaïs Saïed n'a pas tardé à venir. Le jour même, une photo du chef de l'Etat en train d'acheter lui-même des baguettes a fait le tour des réseaux sociaux. A travers cette photo, Kaïs Saïed se la joue indifférent aux menaces le visant et veut s'attirer la sympathie des gens même si c'est lui qui n'a eu de cesse d'évoquer des complots ourdis dans l'ombre. En parlant d'une opposition entre « nous » (le peuple) et « eux » (les ennemis de la Patrie qui tissent des complots), Kaïs Saïes fait, tout de même, preuve de populisme riche en discours complotistes.
Selon les sociologues, le phénomène prolifère notamment dans la période de crise sociopolitique. C'est pourquoi certains discours complotistes autour du Covid-19 se sont répandus sur les réseaux sociaux presque aussi vite que le virus. Parmi les discours les plus abracadabrantesques, on cite : la pandémie n'existe pas, elle a été créée par des puissances étrangères (souvent les Chinois ou les Américains) et conçue pour effrayer la population mondiale et la soumettre à une forme de dictature sanitaire. Il s'agit de déployer une cohérence imaginaire, rassembler des interprétations éparpillées d'un événement et créer une coïncidence fictive. Ce processus concerne l'ensemble des discours complotistes, qui s'inscrivent dans le cadre de la désinformation et de la manipulation de l'opinion publique.
La croyance que la terre est plate, que le soleil tourne autour de la Terre et que l'homme n'est jamais allé sur la lune, sont autant de théories complotistes qu'on voit presque tous les jours. Le complotisme va plus loin qu'un simple discours, il se construit à partir des illusions auxquelles on s'attache souvent pour satisfaire des impératifs immédiats, trouver une explication facile ou peut-être parce que nous sommes superstitieux. Si les discours complotistes ne peuvent donner que des réponses confuses et inexactes, il faudra du temps pour que cette « illusion » soit remplacée par des discours scientifiques et raisonnables…