En accentuant le recours aux réseaux sociaux, la crise sanitaire a ravivé le débat sur la question de la régulation. Fake news, rumeurs, diffamation… les réseaux sociaux sont devenus des catalyseurs de toute sorte de frustrations. La période de confinement et l'essor du télétravail ont multiplié l'accès aux réseaux sociaux. Les applications de ces réseaux ont connu un boom sous l'effet des mesures de confinement, ce qui fait que Facebook a enregistré 186,1 millions de téléchargements mobile et Instagram a vu le nombre de téléchargements augmenter de 151,8 millions, au premier trimestre de 2020. En Tunisie, à l'instar de nombreux pays, l'épidémie a rendu les usages numériques indispensables. Elle a changé le comportement des Tunisiens qui se sont retrouvés confinés dans leurs maisons et obligés donc de se connecter avec le monde via leurs écrans (télé-travailler, télé-éduquer, télé-consulter…). Néanmoins, cette hyper-utilisation a engendré la montée en puissance des mauvaises pratiques, telles que la diffusion de rumeurs et de fake news.
Désinformation, diffamation, violence, harcèlement sexuel… les utilisations ne manquent pas. Les réseaux sociaux ont alors alimenté le débat concernant les initiatives visant à mieux les réguler. Or, ce dossier ne semble pas être la priorité de pays occupés ailleurs et qui devaient, d'urgence, se pencher sur les questions sanitaires mais aussi politiques et économiques. Aussi, le contexte est différent de celui de l'avant-pandémie. Prenons l'exemple des Etats-Unis. Sur fond de vive détérioration de ses relations avec la Chine, les priorités de Donald Trump ont été réorganisées. Pour Trump, s'en prendre aux GAFA (acronyme désignant Google, Amazon, Facebook et Apple), se trouve pour le moment en queue de peloton.
Dans ce contexte, la Tunisie n'a pas dit son dernier mot. Et pourtant, il est clair que les moyens d'action ont atteint leurs limites car, dit le professeur en Sciences de l'information et de la communication, Sadok Hammami, « il n'est pas encore possible de négocier avec Facebook à propos de la question de la régulation. Pour limiter les effets négatifs des réseaux sociaux, de nouveaux dispositifs doivent être actionnés, de nouvelles pistes doivent être explorées. En accentuant l'utilisation des réseaux sociaux, la pandémie a alors rouvert le jeu de ce point de vue et souligné l'importance de baliser le champ d'action des réseaux sociaux par une forme de régulation ». « Facebook n'est pas une zone de non-droit », a souligné Sadok Hammami dans une déclaration accordée à Business News. Il a, à cet égard, expliqué que la diffusion de fausses information, de contenus diffamatoires, de menaces et crimes sur les réseaux sociaux sont encadrées par le décret-loi 115 réglementant le secteur de la presse. En effet, l'article 54 du décret-loi dispose : « est puni d'une amende de deux mille dinars à cinq mille dinars quiconque sciemment publie de fausses nouvelles qui sont de nature à porter atteinte à la quiétude de l'ordre public, soit au moyen d'affiches et d'annonces exposées à la vue publique ou par tout autre moyen d'information audiovisuelle ou électronique ». La règle de base, comme le confirme Sadok Hammami c'est éduquer les citoyens à l'utilisation « responsable » et « consciente » des réseaux sociaux. « Un réseau social c'est un espace public régi par des règles. Toute personne ne respectant pas ces règles devrait être bien évidemment sanctionnée. La diffamation, les discours de haine ou la diffusion de fausses informations restent des délits », a conclu l'universitaire.
En mars 2020, le député et ancien ministre Mabrouk Korchid a abordé la question des fake news qui se propagent sur les réseaux sociaux. Il a, dans ce sens, annoncé qu'un projet de loi est en cours de préparation contre les ou fausses informations. « Les mécanismes judiciaires ne sont plus en adéquation avec ce qui se passe actuellement en ce qui concerne les personnes qui commettent des crimes électroniques ». Ce projet de loi n'a pas encore vu le jour.
Plus que tout autre type d'information, les fakes news touchent un grand nombre de publics. De surcroit, les réseaux sociaux peuvent être transformés en outils de manipulation massive de l'opinion publique et de propagande. C'est d'ailleurs ce qui montre clairement le scandale de Cambridge Analytica qui a permis de dévoiler une campagne de désinformation et d'intervention de trolls russes dans l'élection présidentielle américaine à travers le détournement de l'usage du Facebook. De nombreuses opportunités peuvent découler de la révolution numérique. Pour en profiter, il est nécessaire de mettre en place un cadre législatif permettant de règlementer cet espace virtuel utile, mais dangereux.